Le sport électronique coréen, méga-laboratoire d’innovations
La Chaire Innovation et Transformation permanente est de retour d’un voyage d’étude à Séoul avec une centaine d’Executive MBA de l’EDHEC.
La mégacité (25 millions d’habitants pour le Grand Séoul) est sans doute, pour les passionnés d’innovation, le lieu le plus pointu d’observation du futur du monde. Séoul a développé un écosystème numérique spécifique avec Kakaotalk et Naver qui supplantent sur place Facebook et Google. La densité du parc de smartphones et ses fréquences d’utilisation sont très élevées. La résistance au changement, très faible.
Observer Séoul c’est pouvoir anticiper à échelle réelle, la plupart des comportements liés à la haute technologie. Aller en Corée du Sud, c’est comme aller sur Mars. Un nouveau marché, initié principalement par la Corée, nous permet d’analyser simultanément de nombreuses tendances. Il s’agit du sport électronique, communément dénommé le Esport.
L'EDHEC s'est donc rendu au tout nouveau LoL Park de Séoul pour assister un match de League of Legend (LoL). LoL crée, dans un univers de « Heroic fantasy », un jeu d’adresse et de stratégie électronique dans lequel une équipe rencontre une autre équipe. Il se joue professionnellement en équipe de quatre personnes. Pour simplifier LoL c’est la série Game of Thrones, la console PS4 et le club du PSG.
Sous quatre écrans de taille gigantesque, deux équipes portant des maillots bardés de logos de leurs sponsors, entrent dans la salle. Ils s’installent sur leurs fauteuils baquets en se massant les doigts. Les 400 personnes présentes applaudissent à tout rompre l’équipe SKT T1 Telecom, en particulier the Faker (Lee Sang-hyeok), triple champion du monde de LoL, surnommé le Dieu tueur de Dragon. Son salaire annuel est supérieur à 2,5 millions de dollars.
Les coachs derrière eux, donnent les derniers conseils stratégiques. L’ambiance ressemble à celle d’un match de basket-ball ou de boxe.
Le Esport est un marché estimé à 1,5 milliards USD en 2020. Il constitue une puissante communauté initiée par les Coréens, mais de plus en plus dominée par le marché chinois, champions du monde en titre.
Pour le match que nous avons été voir, plus de cent mille personnes dans le monde dont quatre mille en France (à 10h00 du matin, un vendredi) suivaient en ligne le match auquel l’équipe de l’EDHEC assistait.
Et la France a su saisir cette nouvelle opportunité et son marché potentiel.
Depuis trois ans, le PSG a plusieurs équipes de Esport (FIFA, LoL, Rocket League et DOTA 2 et Mobile legends) et de nombreuses salles de Esport ouvrent partout en France ainsi que des écoles qui proposent des formations à ses métiers.
A suivre, la finale des Mondiaux de LoL qui aura lieu cette année à Paris, en novembre 2019, à l’AccorHotel Arena de Bercy avec ses 30000 places. Son puissant démultiplicateur numérique pourra à nouveau se déployer. Ce n’est pas moins de 99,6 millions de spectateurs uniques qui ont suivi la dernière finale entre les européens de Fnatic et les chinois de Invictus Gaming.
Le Esport nous montre comment le numérique peut se modifier pour être de plus en plus poreux avec la réalité. Certes, le Esport crée une communauté online, mais elle remplit des centaines de lieux dans le monde entier, des salles de Esports comme le LoL Park de Séoul où l’on achète de vrais maillots, de vraies figurines, de petits monstres à monter et à peindre, où l’on se rend à de vrais matchs avec de milliers de supporters et on passe de vraies soirées dans les salles de jeux qui jouxtent le stade ( comme à Seoul le PC Bang ), puis un fois le match terminé, on prend un vrai café et on va au vrai restaurant du complexe. La montée de la réalité virtuelle et de la réalité augmentée pour ces jeux, va renforcer encore cette parfaite intrication entre le monde des écrans et le monde réel. C’est bien l’explosion de cette frontière qui est alors mise en jeu. L’apparition de nouvelles formes hybrides pensées nativement dans les deux mondes de façon simultanée est en cours, à nous de nous y adapter. Bienvenue dans la version réelle de Minority Report.