L’hybridation des compétences : des profils dont le monde a besoin
Tristan-Pierre Maury enseigne l’économie dans le cadre du PGE de l’EDHEC. Il est également à la tête du double diplôme avec Sciences Po Lille. Il nous partage sa vision de l’enseignement et de l’hybridation des compétences.
Vous avez fait un doctorat en macroéconomie à l'Université de Paris X. Quel étudiant étiez-vous ?
J’étais un étudiant passionné par des matières très différentes. Je voulais tout étudier ! J’étais intéressé par les mathématiques, la philosophie et l’économie. J’ai donc décidé d’étudier toutes ces matières à la fois. Je savais qu’il me serait possible de croiser ses connaissances dans une optique de transversalité.
Par ailleurs, j’ai su très tôt que je souhaitais faire de la recherche et qu’il fallait que j’obtienne un doctorat pour cela. Jeune étudiant, quand j’entrais dans un amphi, je regardais déjà le professeur comme un futur collègue…
Quelle était votre matière préférée ?
Si je devais choisir une matière, ce serait les mathématiques pour leur rigueur et leur clarté. Et si aujourd’hui, je ne me sers plus autant des mathématiques dans ma pratique professionnelle, cela reste un sujet de prédilection, une forme de colonne vertébrale.
Pourquoi avoir choisi l’enseignement ?
Bien que fils d’enseignant, l’enseignement n’était pas mon choix initial. Mais lorsque vous commencez un doctorat, on vous demande naturellement d’enseigner. J’ai rapidement trouvé ça passionnant. Mon centre de gravité professionnelle a alors basculé progressivement vers l’enseignement. Aujourd’hui, je ne connais rien de plus gratifiant que d’avoir des interactions positives et constructives avec les étudiants et de recueillir leurs feedbacks à la fin des cours.
Quelle spécialité enseignez-vous ?
J’enseigne l’économie aux étudiants de Pré-Master. L’objectif du cours est d’ouvrir les étudiants à l’environnement économique international, de leur faire comprendre l’impact de l’environnement économique sur leur rôle de futur manager, mais aussi de citoyen. Cet environnement est de plus en plus complexe à comprendre mais aussi de plus en plus passionnant.
Par ailleurs, les profils de nos étudiants sont très variés. Certains n’ont pas fait d’économie et posent parfois des questions très générales et même philosophiques. Cela enrichit les cours et peut nous emmener dans des directions que je n’avais pas initialement anticipées.
Sur quoi portent vos recherches ?
Mes recherches portent sur l’évaluation des politiques publiques. Je souhaitais mener de la recherche ciblée et utile. Je m’intéresse tout particulièrement à la question des politiques de logement en Europe, et au thème de l’éducation, notamment en matière de mixité et ségrégation sociale à l’école.
Dans les années 1990, David Guest a formalisé le concept d’hybridation des compétences. Comment se manifeste-t-elle aujourd’hui à l’EDHEC ?
L‘EDHEC répond à ce désir d’hybridation de nos étudiants avec la volonté d’anticiper et de déchiffrer les tendances à venir dans les entreprises et aussi, la société. L’EDHEC propose déjà de nombreux enseignements qui vont au-delà des matières traditionnellement enseignées dans des écoles de commerce, notamment les sciences politiques et le droit public. L’hybridation a déjà une longue histoire à l’EDHEC grâce notamment à ses partenariats académiques en France et à l’étranger et aussi grâce à nos nombreux doubles diplômes. La filière Business Law & Management pour les juristes, ESTP, Centrale Lille, l’ESJ, UCA et bien sûr le double diplôme avec Sciences Po Lille dont je m’occupe.
Un étudiant qui intègre à l’EDHEC doit se préparer à la possibilité d’avoir plusieurs vies académiques en suivant des formations parallèles très pointues en management, en droit, en sciences, en journalisme, en sciences politiques…
L’avenir du marché du travail appartient-il aux profils en T ?
Le marché du travail est en pleine mutation. Les carrières ne sont plus aussi linéaires que par le passé. Les besoins en compétences étant de plus en plus diversifiés et de plus en plus changeants. Ces profils en T sont très recherchés car ils possèdent cette capacité de flexibilité et d’adaptabilité tout en ayant un domaine de compétences très précis, qui leur donne un point d’ancrage et aussi, des connaissances transversales. Ils possèdent les capacités et connaissances dont le marché du travail a besoin. Parmi ces profils en T, j’insisterai sur le développement de doubles compétences et de doubles expertises. Le passage par un double diplôme oblige mécaniquement à se poser des questions transversales qui jettent des ponts entre les deux expertises. Je crois en l’avenir de ces profils, car ils possèdent naturellement l’agilité dont le monde professionnel a besoin.
Une citation qui vous ressemble.
Je citerai Winston Churchill : « Un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité, un optimiste voit l'opportunité dans chaque difficulté. » Cette citation me correspond. J’essaie d’être optimiste, et même lorsque c’est plus difficile, je m’efforce de continuer à vois l’opportunité dans chaque difficulté !
Un livre que vous conseillerez aux étudiants de lire avant d’intégrer l’EDHEC ?
Je leur conseillerai de lire The New Climate War de Michael E. Mann, un grand climatologue américain. L’enjeu environnemental est clé à l’EDHEC et est intégré de manière lucide et rigoureuse dans de nombreux cours. L’EDHEC a par exemple un œil très acéré sur le greenwashing.
Pourquoi ce livre ?
Il a deux qualités : l’auteur est franc et direct. Il explique toutes les difficultés qu’il a rencontrées dans sa carrière pour convaincre le monde du business, le monde politique ainsi que la société civile dans son ensemble qu’il fallait prendre les enjeux environnementaux au sérieux. Ce qui me plaît dans ce livre ? Il parvient à rester optimiste, ne tombe pas dans le déclinisme ambiant. Il explique qu’il ne faut pas dire que rien n’a été rien fait ces dernières années et que plus rien n’est possible, qu’il y a des améliorations réelles ainsi innovations et des solutions possibles dans le futur.