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Les petits caractères des prêts sans intérêt

Tristan-Pierre Maury , Professor

La France est le pays d'Europe qui a connu la plus forte hausse des prix de l'immobilier : + 71,5 % depuis 1990 Les prêts immobiliers à taux zéro (PTZ)...

Temps de lecture :
12 Juil 2019
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Le prêt à taux zéro (PTZ) s'inscrit dans une longue tradition d'aides publiques à l'accession à la propriété. Créé en 1995, le PTZ a connu de nombreuses évolutions au fil des ans, flottant dans le paysage immobilier et portant le nom de chaque fonctionnaire (Scellier, Robien, Borloo et, depuis 2015, Pinel) qui, à un moment ou à un autre, a contribué à faire flotter l'étendard du PTZ.

Les PTZ sont considérés comme largement responsables de l'augmentation du taux d'accession à la propriété en France, passé de 55,9 % en 2001 à 64,37 % en 2013. Pourtant, selon une note de recherche de l'EDHEC, les inconvénients sont importants, à commencer par des effets d'aubaine et d'inflation non négligeables. Ces prêts à taux zéro ont également fait grimper les prix de l'immobilier et ont aggravé la pénurie de logements locatifs. En d'autres termes, une grande partie de l'argent mis de côté par le gouvernement pour aider les candidats à l'achat d'un logement a fini par remplir les poches des vendeurs et des promoteurs.

L'étude de l'EDHEC révèle que les prêts au logement sans intérêt souffrent d'un effet d'aubaine à hauteur d'environ 85%. Cela signifie qu'environ 85 % des bénéficiaires de ces subventions auraient acheté de toute façon, même s'ils n'avaient pas reçu cette forme d'aide financière. Cela remet en question la qualité du montage de ces prêts et la possibilité d'utiliser plus efficacement les fonds publics en se concentrant sur les acheteurs potentiels les plus modestes.

Les effets inflationnistes sont un autre impact indésirable des prêts à taux zéro. L'étude de l'EDHEC souligne que les incitations financières à investir dans l'immobilier finissent par contribuer à la hausse des prix de l'immobilier. La législation entrée en vigueur en 2009, qui a doublé le montant des prêts sans intérêt alloués à la construction de nouveaux logements, a été à l'origine d'une hausse de 7 % des prix de l'immobilier. Comment cela a-t-il fonctionné ? Malgré la forte demande, peu de logements neufs étaient construits, une situation qui tend à favoriser la hausse des prix de l'immobilier. Les prix de l'immobilier augmentent également lorsque les propriétaires attendent des périodes plus favorables (haussières) pour mettre leur bien sur le marché. Lorsque les pouvoirs publics débloquent des fonds pour l'achat de leur propriété, les propriétaires hésitants passent à l'action.

La France est le pays européen qui a connu la plus forte augmentation des prix de l'immobilier : plus 71,5 % depuis 1990. Et contrairement aux États-Unis et au Royaume-Uni, les valeurs immobilières françaises n'ont pas connu de correction significative depuis 2008. De plus, la valorisation des logements en France est l'une des plus élevées d'Europe. Les loyers, en revanche, n'ont pas suivi la même évolution que les prix des logements. La faiblesse des rendements locatifs, estimés à environ 2,5 % à Paris entre 2004 et 2007 selon l'étude de l'EDHEC, rend l'investissement locatif peu attractif. Certains logements sont retirés du marché tandis que d'autres sont mis sur le marché à des loyers élevés, ce qui entraîne de la vacance.

La sagesse économique veut qu'il n'y ait pas de repas gratuit. Pourtant, en France, le prêt immobilier à taux zéro existe bel et bien. Le problème, c'est que sur le milliard d'euros que l'État consacre chaque année au financement de ces prêts, plus de la moitié n'atteint jamais les bénéficiaires prévus, à savoir les jeunes familles qui espèrent devenir propriétaires pour la première fois.

Les solutions possible

Compte tenu de ces effets secondaires importants, une solution pourrait être que le gouvernement réduise ou supprime les prêts à taux zéro. La diminution ou l'extinction des PTZ aurait-elle un effet déflationniste comparable ? Les chercheurs de l'EDHEC suggèrent que non. Ainsi, au lieu de maintenir la tradition du PTZ ou de la supprimer complètement, le gouvernement devrait peut-être envisager une troisième option : limiter les prêts à taux zéro aux ménages qui en ont le plus besoin dans les zones où il n'y a pas de logements locatifs. Une telle réaffectation des aides serait sans doute sans conséquence par rapport, par exemple, à une restructuration de la politique foncière publique. De vastes étendues de terrains non bâtis pourraient être considérées comme des candidats à la construction de logements sociaux, mais le contexte juridique et politique est particulièrement épineux. Le taux d'imposition relativement faible des terrains non bâtis et le manque d'informations sur la quantité de terrains réellement disponibles sont autant de défis à relever. Les demandes de permis de construire sont traitées au niveau local, ce qui constitue un autre obstacle à la lutte contre la crise du logement à l'échelle nationale. Seule une révision complète du cadre juridique régissant l'offre de terrains peut commencer à résoudre le problème du logement en France de manière systémique.

Voir "Quels sont les effets du prêt à taux zéro sur les prix de l'immobilier ?" Une prise de position de l'EDHEC par Tristan-Pierre Maury, professeur associé, membre du Centre de recherche en économie de l'EDHEC Business School, et Kevin Beaubrun-Diant, co-directeur de l'Executive Master in Wealth Management de l'Université Paris Dauphine.

Cet article a été publié pour la première fois dans le magazine Otherwise (numéro 3). Si vous avez aimé le lire, abonnez-vous ici et recevez gratuitement le prochain numéro !

© Image by Florent Hauchard