La finance durable va devenir la "nouvelle norme" du secteur
L'EDHEC est membre de la GRAFSI, Global Research Alliance for Sustainable Finance and Investment. Qu'est-ce que cela implique ?
La GRAFSI est une initiative qui porte une forte ambition. Créé par l’Université d’Oxford, c'est un réseau mondial de plus de 20 universités et écoles de commerce de haut niveau, qui vise à promouvoir une recherche et un enseignement de qualité sur des sujets liés au financement et à l'investissement durables. L'EDHEC en est récemment devenu membre, aux côtés de l'Imperial College, de Stanford et de Tsinghua. Le GRAFSI travaille avec d'autres universités de premier plan pour promouvoir la recherche sur la finance durable et organiser des événements et des conférences. Il souhaite également améliorer la qualité de l'enseignement. Par exemple, nous partageons nos programmes d'études sur la finance durable et l'investissement responsable avec les autres membres de l'alliance, et vice versa, afin que nous puissions tous enseigner ces sujets le plus efficacement possible. Nous essayons d'apprendre les uns des autres et de renforcer les compétences de chacun, car le financement durable est encore un sujet relativement nouveau et il faut davantage de recherches, de données et de preuves scientifiques. Nous devons agréger un ensemble de connaissances avancées, car la jeune génération est très consciente de cette question et il existe une réelle demande pour un meilleur enseignement.
Le thème de la finance durable suscite un intérêt croissant. Comment les entreprises y font-elles face ?
Contrairement à ce qui se passait il y a encore cinq ans, la durabilité et les risques liés au changement climatique figurent aujourd'hui en tête des priorités des entreprises. C'est devenu une priorité pour les chefs d'entreprise. Cependant, les entreprises et les investisseurs font preuve d'un grand nombre de comportements opportunistes et de greenwashing. La durabilité est très difficile à mesurer ; il y a trop de mesures incohérentes et les données sur la durabilité sont généralement déclarées par les entreprises elles-mêmes et ne sont pas vérifiées, ce qui laisse de la place à de possibles manipulations et fausses déclarations. Et c'est là que réside le paradoxe : la durabilité figure en bonne place dans l'agenda des entreprises, mais le greenwashing est de plus en plus répandu.
Les entreprises communiquent sur le sujet, mais ne joignent pas le geste à la parole. Les jeunes peuvent changer la donne. Par exemple, en ce qui concerne les services financiers, nous constatons que ce sont les jeunes clients qui exigent des produits financiers durables. Cela aura un effet d'entraînement sur le monde de l'entreprise, car la nouvelle génération de dirigeants et de chefs d'entreprise aura également le développement durable ancré dans ses valeurs fondamentales. Ils vont mener la transformation de l’intérieur. C'est ce que l'EDHEC essaie de faire en mettant l'accent sur la durabilité et en l'intégrant, non seulement dans les cours spécialisés de finance durable, mais aussi dans l'ensemble du programme d'études. Les étudiants exigent davantage de compétences et d'outils et ce sont eux qui vont devenir les champions de ce nouveau monde en entreprises.
Quelles sont les dernières tendances en matière de financement durable ?
En raison de l'accord de Paris et des changements actuels dans les conditions météorologiques et les écosystèmes à l'échelle mondiale, l'accent a été mis davantage sur les questions climatiques et environnementales. Actuellement, l'élément social (le "S" dans ESG) fait l'objet d'une attention croissante, en particulier à la lumière de la pandémie COVID-19. Les entreprises qui s'occupent le mieux de la dimension sociale (en traitant leurs employés avec considération) se sont avérées les plus résistantes financièrement.
Enfin, l'accent a été mis sur les actions des entreprises et les performances boursières. Une sorte de révolution lente et silencieuse est en cours. Les banques et les banques centrales prennent les questions climatiques plus au sérieux. Si les banques commencent à intégrer l'exposition au risque climatique dans le processus de prêt aux entreprises, par exemple, les implications seront énormes. La présidente Christine Lagarde a déclaré que la Banque centrale européenne intégrera les considérations climatiques dans la manière dont les banques centrales réalisent leurs programmes d'achat, de sorte que lorsqu'elles achètent des titres, elles vont tenir compte du profil environnemental de l'émetteur. Cela pourrait avoir un effet hautement disruptif sur le monde financier.
Peut-on dire que la durabilité est l'avenir de la finance ?
Oui, dans quelques années, la finance durable sera la norme, la nouvelle norme en matière de finance.