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La géopolitique au cœur de la seconde édition des EDHEC Vox Dialogues

Le mardi 1er juillet 2025, l’EDHEC Business School a lancé sur son campus parisien la Chaire Géopolitique et Stratégie d’entreprise. Cette initiative s’est inscrite dans le cadre de la seconde édition des EDHEC Vox Dialogues. Une série de conférences autour du positionnement des entreprises face aux nouveaux équilibres mondiaux. Des professeurs-chercheurs de l’école, des représentants du monde de l’entreprise, des journalistes, ainsi que l’écrivain Laurent Gaudé ont animé les temps forts de cette soirée.

Temps de lecture :
7 Juil 2025
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conférence EDHEC Vox

Cette seconde édition des EDHEC Vox Dialogues, introduite par Emmanuel Métais, directeur général de l’EDHEC, portait sur la thématique : « Réinventer l’entreprise au défi de la nouvelle donne géopolitique ». Conduit par François Miquet-Marty, Président du Groupe Les Temps Nouveaux, l’évènement s’est articulé autour de tables rondes et d’entretiens individuels. 

 


Dessiner l’avenir de l’Europe 

 


Thomas Buberl, Directeur général d’AXA, est d’abord intervenu pour expliciter la nature des risques actuels (économiques, climatiques, numériques, ...) et leurs évolutions. « Nous sommes sortis d’un modèle où les crises étaient graduelles (une crise financière, puis une période de calme, etc.), constate-t-il, pour entrer dans une ère de crises permanentes et interdépendantes. ». Il a aussi évoqué les atouts de l’Europe : un « troisième modèle » dans l’ordre mondial, structuré autour des valeurs de solidarité et d’unité.  

 


La première table ronde, « Géopolitique des IA et futures stratégies d’entreprises », a mis en avant le caractère stratégique de cet outil pour les entreprises et sa place dans les jeux de pouvoir entre les États. Paola Fabiani, Porte-parole et Vice-Présidente du Medef et Présidente fondatrice de Wisecom et Vado Via, a exposé les freins au déploiement de l’IA en Europe (la réglementation, l’investissement et la formation des talents). Michelle Sisto, Professeure associée, directrice du Centre IA de l’EDHEC a quant à elle présenté les contours d’un apprentissage optimal de cet outil (typologie des structures d’enseignement, méthodologies) et la manière dont la France accompagne l’acculturation des nouvelles générations à l’IA.

 


David Krieff, directeur des systèmes d'information du Groupe ADP et vice-président du Cigref, a rappelé lors de cette table ronde que le plus grand risque face à l’IA réside dans l’inaction. Il a mis en avant plusieurs réussites européennes, comme Mistral ou le projet OpenLLM France, pour illustrer son propos. Selon lui, ces initiatives démontrent qu’il est possible de concevoir des modèles d’intelligence artificielle performants, tout en respectant un cadre éthique et juridique exigeant. Une approche qui, à ses yeux, peut devenir un avantage compétitif pour l’Europe.

 


Ce monde multipolaire, de même que les jeux de pouvoir qui en découlent, nourrissent depuis plusieurs années l’œuvre de Laurent Gaudé, Prix Goncourt 2004 pour Le Soleil des Scorta. Invité des EDHEC Vox Dialogues, l’écrivain est revenu sur la manière dont il puise dans le réel — territoires fragmentés, ordres politiques mouvants — pour façonner des fictions dystopiques, à l’image de son dernier roman, Chien 51. Un ouvrage dans lequel la Grèce est rachetée par un consortium qui réorganise le pays en zones économiques, des privilégiés aux plus démunis. Ce croisement entre réalité et imaginaire fait émerger des mondes parallèles, traversés par ce qu’il nomme un « optimisme noir » : un espoir tenace, où les valeurs de fraternité et de solidarité surgissent malgré la violence du chaos ambiant. Laurent Gaudé a également évoqué son livre Nous, l'Europe banquet des peuples, un long poème où il retrace « l'immense charge d'aventures que représente l'Europe », à travers les projets, combats, élans et victoires qui ont façonné l’histoire du vieux continent. 

 


Réagir face à la multiplication des risques

 


La seconde table ronde, « Risques géopolitiques et futures stratégies d'entreprises », a mis en exergue l'importance de l'adaptabilité des entreprises face aux bouleversements géopolitiques contemporains. Bertrand Monnet, Directeur de la Chaire Management des risques criminels, est revenu sur les différentes menaces sécuritaires pesant sur les entreprises : la prédation (abus liés à une position dominante), le vol de données et l'extorsion (obtention par violence, menace ou contrainte d'une signature, d'un engagement, d'une renonciation, de la révélation d'un secret ou de la remise de fonds, valeurs ou biens). Il a également rappelé les conséquences néfastes de l'économie criminelle sur l'économie légale, notamment du blanchiment d'argent, estimé par le FMI dans une fourchette de 800 à 2 700 milliards de dollars annuels.

 

 

Marie-Pierre de Baillencourt, Directrice générale de l'Institut Montaigne et Membre du Board de la Chaire EDHEC Géopolitique et Stratégies d'entreprise, a poursuivi l'analyse en affirmant que l'Europe se trouve dans un état de "guerre économique", une réalité qui nécessite de repenser fondamentalement la notion de sécurité économique. Cette situation trouve ses racines dans plusieurs phénomènes convergents : l'arsenalisation des interdépendances, c'est-à-dire l'utilisation stratégique des dépendances économiques (chaînes d'approvisionnement, accès aux matières premières, marchés) comme leviers de pression géopolitique ; l'extraterritorialité des lois, notamment américaines et chinoises, qui constitue un outil puissant de projection de souveraineté ; et enfin la vulnérabilité des infrastructures européennes face aux nouvelles formes de menaces hybrides.

 


Paola Fabiani a poursuivi en interrogeant la capacité de l'Europe à agir comme un bloc cohérent pour assurer sa sécurité économique. Elle a souligné le "déclassement stratégique" de l'Europe, qui, malgré son statut de premier marché mondial, demeure handicapée par sa fragmentation politique et économique. Néanmoins, elle a nuancé son propos en rappelant que, malgré ces difficultés structurelles, l'échelle européenne reste la seule pertinente pour rivaliser avec les blocs américain et chinois et maintenir une influence géopolitique significative.

 


Cette seconde édition des EDHEC Vox Dialogues s’est ensuite poursuivie autour d’un échange entre Pierre-Henri de Menthon, directeur de la rédaction de Challenges et le journaliste Marc Semo. Ensemble, ils ont présenté, puis analysé le traitement de la géopolitique par les médias. Cette discussion a permis d'explorer les enjeux spécifiques du journalisme géopolitique : poser la complexité des rapports de force internationaux, conserver l'objectivité face à des sujets polarisants, et adapter les formats éditoriaux aux nouveaux modes de consommation de l'information. 

 


En clôture de l’événement, le général d’armée aérienne Luc de Rancourt, ancien inspecteur général des armées, a rappelé les ambitions portées par la Chaire Géopolitique et Stratégie d’entreprise, qu’il codirige. L’objectif : former étudiants et cadres dirigeants aux interactions entre dynamiques géopolitiques et choix stratégiques en entreprise. La Chaire souhaite ainsi renforcer la pensée analytique des étudiants et participants, cultiver leur esprit critique et les aider à développer les savoir-faire nécessaires pour prendre des décisions et agir dans des environnements complexes et incertain.
 

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