EDHEC Grande Ecole

Le cinéma éco-responsable : trouver l’équilibre entre le beau et le durable

Jimmy Cournil, étudiant du programme Grande École et ancien président ETNA EDHEC Télévision a choisi de travailler sur la thématique du cinéma écologique pour son mémoire de fin d’études. Il nous…
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26 Juil 2022

Jimmy Cournil, étudiant du programme Grande École et ancien président ETNA EDHEC Télévision a choisi de travailler sur la thématique du cinéma écologique pour son mémoire de fin d’études. Il nous parle de ses conclusions et recommandations à l’industrie cinématographique.

 

Dans le cadre de votre Master 2, vous avez choisi le MSc in Marketing Management. Votre sujet de mémoire est : L’impact du cinéma écologique sur la satisfaction des spectateurs. Pourquoi cette thématique ?

Lors d’un stage chez CANAL+, j’ai pu travailler sur une série nommée L’Effondrement qui est une série qui a été produite avec des méthodes vertes. La thématique de l’écologie est évidemment d’actualité et d’une importance capitale. Pourtant, peu de personnes se doutent que l’industrie du cinéma pollue, et le principe même d’éco-tournage est un peu flou. Il existe de multiples rapports notamment du British Film Institute (UK), de la Sustainable Production Alliance (USA) ou de l’organisme Ecoprod (FR) qui pointent du doigt la pollution engendrée par les tournages de films et de séries. Avec cette expérience à CANAL+ en tête et en effectuant des recherches je me suis rendu compte que beaucoup d’alternatives et de solutions pour limiter le gaspillage et la surconsommation sur les tournages émergeaient. S’est alors posée la question de leur mise en place : si l’on change les méthodes de productions, il faut s’interroger sur l’impact que cela pourrait avoir sur le film en lui-même et sur son succès auprès des spectateurs. C’est pour tenter d’apporter des réponses à cette question et clarifier le concept de « cinéma écologique » que j’ai choisi ce sujet.

 

Peut-on dire aujourd’hui encore que l’impact écologique de l’industrie cinématographique soit relégué au second plan ?

C’est une évidence, il n’y a qu’à voir le manque de préoccupation consternant lors du Festival de Cannes par exemple, où les stars viennent en jets privés, où l’on dépêche la patrouille de France pour faire plaisir à Tom Cruise. Toutes ces actions ne sont pas en soi gênantes, mais cela exclut de fait la question environnementale.

Le cinéma est un monde où traditions et esthétiques semblent pour l’instant prioritaires sur la protection de l’environnement. Mais ce n’est pas uniquement dû au fait que les productions refusent de s’adapter, cela est aussi en partie dû au public, qui ne souhaite pas voir des films moins bons ou moins beaux sous prétexte qu’il faut sauver la planète.

En échangeant avec des consommateurs, tous sensibles aux questions environnementales, j’ai réalisé qu’ils restaient attachés aux techniques de productions actuelles, à l’authenticité et la liberté artistique. Par exemple, concernant des tournages 100% en studios et sur fonds verts pour éviter les déplacements et sur le remplacement des éclairages des plateaux par des LED, les consommateurs semblaient réticents de peur que cela rende le film moins beau et réaliste. Alors même s’ils sont conscients de l’impact écologique du secteur, le public ne semble pas encore prêt à sacrifier le bon et le beau sur l’hôtel de la protection de l’environnement.

 

Quelles sont vos principales recommandations ?

Et c’est justement là ma principale recommandation. Mes résultats montrent que pour être aussi « bon » qu’un film « normal » (i.e. non tourné de manière écoresponsable), un film vert doit montrer aux spectateurs des images et une histoire tout aussi convaincantes. Autrement dit, lors d’un éco-tournage, les productions doivent toujours se demander si l’action écologique qu’ils veulent mettre en place aura un impact sur ce que verra le spectateur au final sur son écran. Par exemple, si nous avions remplacé l’éclairage des plateaux par des LED, nous n’aurions jamais eu les photographies inégalées de La La Land ou de Blade Runner 2049. Cette action, aussi écologique soit-elle, aurait eu un impact sur la satisfaction des spectateurs.

En revanche, ce que doivent mettre en œuvre les studios, c’est la rationalisation et l’optimisation des ressources. Tri des déchets, véhicules électriques, bannissement du plastique et du papier, hôtels et restauration à proximité du lieu de tournage, recyclage des décors et des costumes, etc. Tant d’actions intelligentes, non-couteuses et écologiques qui peuvent être mises en place, sans que cela ne touche à la technique du film et donc à la satisfaction finale du spectateur.

 

Avez-vous quelques exemples de production cinématographique à nous donner ?

La plupart des projets les plus écologiques qui ont vraiment mis en œuvre toutes les actions nécessaires à la neutralité carbone du tournage sont malheureusement de petits projets, peu connus du grand public. L’Effondrement est un bon exemple de projet 100% neutre en émissions.

Il existe tout de même des exemples notables de grosses productions qui rentrent dans le cadre de mes recommandations et qui ont mis en place des actions écologiques qui touchent à la logistique. Par exemple lors du tournage de The Amazing Spiderman 2 (2014), les décors ont été recyclés et des ampoules basse tension ont été utilisées. Pour Downton Abbey (2019), l’utilisation de papier a été interdite. De plus en plus de tournages se font également sous la tutelle d’un(e) éco-consultant(e) (Noah en 2014, la série Germinal en 2021 et Jurassic World : le Monde d’Après).

 

Pensez-vous que l’écologie puisse être un argument marketing ?

Cela fait aussi partie de mes recommandations. Si le studio est certain que le film vert en question est tout aussi bon et beau qu’un autre film, l’éco-tournage devient alors un bonus, une plus-value pour le spectateur, qui, en plus d’avoir vu un film qui l’a satisfait, a pu contribuer à la protection de l’environnement. Mes entretiens ont montré que la présence d’un label ou d’une certification verte peut attirer et rendre curieux les spectateurs, mais pour que ces éléments deviennent des arguments marketing il faut que les spectateurs soient satisfaits, sinon l’effet inverse se produit et on obtient du bouche-à-oreille négatif, non seulement sur le film en question, mais aussi sur les labels verts qui seront alors associés à des films de mauvaise qualité. Même si on peut se méfier du greenwashing, la moindre action écologique peut clairement être un argument : par exemple, si les studios expliquent et montrent leurs actions via des making-of, des labels et des certifications provenant d’organismes agréés (comme Ecoprod, albert ou ISO).

 

Où effectuez-vous votre stage de fin d’études ?

Je suis chargé de la stratégie de vente des films et séries Sony Pictures en VOD aux clients digitaux (OCS, CANAL, Netflix, TF1, M6...). Par la suite, j’espère pouvoir continuer à travailler dans le secteur du divertissement qui me passionne.