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Spotlight – "Pour les dirigeants, le défi est d’accepter de se transformer soi-même"

Transformation. Les dirigeants d’aujourd’hui le savent : c’est le mot clé d’un monde du business en reconfiguration constante. Dans un environnement si mouvant, comment réinventer son leadership pour…

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28 Sep 2020
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Transformation. Les dirigeants d’aujourd’hui le savent : c’est le mot clé d’un monde du business en reconfiguration constante. Dans un environnement si mouvant, comment réinventer son leadership pour diriger son entreprise et emmener ses équipes vers l’avenir ? Et si l’inspiration était à aller chercher du côté d’organisations rompues à la prise de décision stratégiques dans un contexte incertain, comme la Marine Nationale ? Maïlys Vicaire, Co-directrice des programmes pour dirigeants de l’EDHEC, et Jean-Louis Raynaud, consultant en management et à l’origine de la création de ces programmes, partagent leur vision de ce sujet plus que jamais d’actualité.

 

Dans un monde souvent caractérisé par l’acronyme VUCA (Volatilité, Incertitude, Complexité, Ambiguité), quelles sont les grandes transformations auxquelles font face les dirigeants ?

Maïlys Vicaire : Trois transformations majeures sont aujourd’hui incontournables. La digitalisation d’abord. Elle oblige l’ensemble des entreprises et des dirigeants à se réinventer en profondeur, non seulement sur le plan de l’aisance technologique, mais aussi en développant un leadership plus humain que jamais. La transition écologique et sociale ensuite. Elle redéfinit notre société, et les dirigeants n’ont plus le choix : ils doivent la comprendre et la prendre en compte, quitte à modifier complètement leur vision de la création de valeur, de la performance ou de la croissance. Enfin, le mode opératoire des organisations est également en pleine mutation. De plus en plus d’entreprises adoptent des stratégies de plateforme, travaillent en mode collaboratif, s’essaient à l’open innovation... Elles apprennent à oser, à itérer et à expérimenter. À rebondir aussi. C’est cette agilité qui fait désormais la différence sur les marchés.

 

Quel impact la crise a-t-elle sur ces mouvements de fond ?

Maïlys Vicaire : Comme toute crise, celle que nous traversons aujourd’hui accélère ces tendances. Elle nous oblige à revoir nos fondamentaux et à nous réinventer, parfois plus vite que prévu. Y compris à l’EDHEC ! Le confinement nous a notamment obligés à digitaliser notre activité à marche forcée, et cela a fonctionné.

Jean-Louis Raynaud : La crise actuelle oblige les entreprises à reconstruire rapidement leur stratégie, quitte à dire parfois : "arrêtons tout et recommençons différemment". Voilà un véritable acte de leadership ! Je pense notamment au PDG de Renault, qui a décidé de passer d’une stratégie de volume à une stratégie de valeur. Ou au groupe PSA, qui lance une lourde restructuration en Chine pour baisser le seuil de rentabilité. Ces actes sont la démonstration de l’agilité mais aussi du courage de ces dirigeants.

 

En tant que dirigeant, comment relever le défi d’un contexte si complexe ?

Maïlys Vicaire : En commençant par se transformer soi-même ! Dans un monde en mouvement, celui qui n’accepte pas de bouger se retrouve en difficulté. Mais on ne se transforme jamais seul, un accompagnement est nécessaire. C’est tout l’esprit de nos programmes pour dirigeants : le Parcours Dirigeants, une formation diplômante sur 10 mois, et les Acceleration Weeks, des programmes courts et ciblés. L’Acceleration Week/Leadership de transformation est spécifiquement dédiée à cette problématique.

 

Comment définissez-vous ce "leadership de transformation" ?

Jean Louis Raynaud : Le leadership de transformation, c’est la capacité à changer soi-même, à amener les autres à changer, et à changer la culture de son entreprise pour développer sa résilience. C’est le plus haut niveau du leadership  

 

Quelle approche pédagogique permet ce changement de posture et de vision ?

Maïlys Vicaire : Une approche ancrée dans la réalité des entreprises. À l’EDHEC, tous les intervenants sont immergés dans le monde du business, y compris les professeurs titulaires, qui sont administrateurs au sein d’entreprises ou conseillers au sein d’associations par exemple. La force du collectif et le partage d’expérience entre pairs jouent également un rôle clé. Apprendre des autres, les regarder se transformer ou observer leurs réactions face à certaines situations provoque de véritables déclics. Enfin, l’EDHEC a une vision très expérientielle de la formation. En matière de leadership, cela se traduit notamment par un partenariat unique avec la Marine Nationale, incarné par Jean-Louis Raynaud, qui est consultant en management et officier de réserve dans la Marine Nationale.

 

Pouvez-vous présenter ce partenariat ?

Jean-Louis Raynaud : Dans le cadre du Parcours Dirigeants diplômant, les participants embarquent une dizaine de jours sur un bâtiment de la marine en opération, pour vivre une expérience humaine absolument unique. Dans le cadre de l’Acceleration Week/Leadership de transformation, un dispositif plus court mais tout aussi exceptionnel a été mis en place. Les participants passent deux jours en immersion au sein du Centre d’études stratégiques de la Marine Nationale (CESM), à l’École militaire, pour vivre une simulation d’opération marine. L’EDHEC est la seule école de commerce à avoir tissé un partenariat de ce genre.

 

Comment se déroulent ces 2 jours au CESM ?

Jean-Louis Raynaud : Le premier jour, les officiers encadrant la simulation donnent aux participants les outils pour bien comprendre le contexte et l’environnement dans lequel se déroule l’exercice. Ils doivent généralement réaliser une opération humanitaire, axée sur la protection de populations civiles. Ils se voient donc expliquer l’organisation politique et militaire française, le fonctionnement de la Marine, les moyens qu’ils ont à leur disposition... Ils découvrent également le fonctionnement du renseignement militaire qui jouera un rôle clé dans la simulation.

Le deuxième jour, ils passent à l’action, planifient et exécutent l’opération. Ils sont répartis en plusieurs états-majors, organisés avec un chef d’état-major et plusieurs chefs de cellule aux rôles bien définis. Ensemble, ils doivent faire preuve de leur capacité d’adaptation face à de nombreux aléas et imprévus, pour éviter un désastre humanitaire, mais aussi diplomatique et politique. La temporalité est considérablement accélérée par rapport au temps réel : une opération d’une semaine se déroule ici en une journée, intensifiant la pression qui pèse sur leurs épaules.

 

En quoi cette expérience dans l’univers militaire est-elle inspirante pour ces dirigeants issus du monde civil ?

Maïlys Vicaire : Tout d’abord, sortir ainsi de sa zone de confort est inspirant en soi. Le fait d’être plongé dans un univers dont ils ne maîtrisent absolument pas les codes, avec un niveau d’exigence extrêmement élevé place les participants sur un pied d’égalité absolu. Cela permet de révéler beaucoup de choses, notamment en termes d’esprit d’équipe et de capacité à prendre des décisions.

Jean-Louis Raynaud : Ensuite, cette expérience inédite mobilise des piliers essentiels du leadership. Le travail en équipe et l’organisation du travail sont cruciaux, puisque les participants doivent collaborer efficacement au sein de leur état-major, en s’inscrivant dans une chaîne de valeur donnée et en optimisant les ressources humaines. Lorsqu’un chef de cellule doit convaincre son chef d’état-major de prendre telle ou telle décision, c’est également un véritable travail de leadership. Idem lorsque le chef en question doit expliquer ses choix à son équipe. Par ailleurs, des points de situation sont exigés régulièrement, mobilisant des compétences clés de reporting. Et la simulation inclut, en plus, des points presse à réaliser face caméra. Cet exercice de communication est délicat, car il s’agit de faire preuve d’esprit de synthèse et de veiller à rester dans le cadre politique, pour ne pas mettre en porte-à-faux les autorités françaises ou alliées. À tous les niveaux la gestion du stress est fortement mise à l’épreuve. La pression oblige à repenser tous ses réflexes.

 

Dans le monde civil, l’armée n’est pas spontanément associée à la notion d’agilité, qui est au cœur du leadership de transformation…

Jean-Louis Raynaud : La vision que nous avons généralement de l’armée relève de l’image d’Épinal. En réalité, la Marine est une structure agile par essence, car elle évolue dans un milieu profondément changeant et incertain : la mer. Lorsqu’un navire fait cap au 180 pendant trois heures la mer change, la météo évolue, des pannes mécaniques surviennent et obligent sans cesse les hommes à se reconfigurer, à replanifier. Les marins ont une agilité d’esprit propre. Les méthodes qu’ils ont développées sont très enrichissantes pour le monde de l’entreprise.

MV : Aux côtés des officiers de la Marine, les participants découvrent aussi à quel point une culture forte et partagée permet l’agilité. Les hommes et les femmes qui s’engagent dans l’Armée adhèrent à des valeurs claires et revendiquent une fierté d’appartenance, un esprit de corps. Pour des dirigeants, constater que l’on décide mieux et plus vite lorsque les hommes et les femmes sont en cohérence, c’est saisir toute l’importance de la culture d’entreprise pour construire et transmettre l’agilité. Un enseignement précieux.

 

En tant que dirigeant, j’ai trouvé passionnant et utile d’être immergé dans un environnement aussi inhabituel pour m’entraîner à la prise de décision. Dans les quartiers de la Marine Nationale nous étions plongés dans un univers très propice à l’apprentissage, où l’impact de chaque décision est fort. Évoluer aux côtés des militaires nous apprend rapidement à réfléchir sous la pression du temps : une compétence essentielle dans le monde de l’entreprise."

Yves Le Petitcorps, DRH du Groupe Petit Forestier, Parcours Dirigeants 2017. Lire l’intégralité de son témoignage ici.

 

Pour en savoir plus sur le Parcours Dirigeants et les Acceleration Weeks d’EDHEC Executive Education : [email protected]

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