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Spotlight – Stratégie RSE : "Dans le contexte actuel, les entreprises n’ont plus le choix. "

R.S.E. Trois lettres, sans doute un peu galvaudées, qui portent pourtant les plus grands défis des entreprises aujourd’hui. Trois lettres qui les obligent à réinventer leur vision et leur mode de…

Temps de lecture :
6 jan 2021

R.S.E. Trois lettres, sans doute un peu galvaudées, qui portent pourtant les plus grands défis des entreprises aujourd’hui. Trois lettres qui les obligent à réinventer leur vision et leur mode de fonctionnement en profondeur. Loin d’un greenwashing opportuniste, qu’est-ce réellement qu’une entreprise responsable ? Comment faire de l’engagement sociétal et environnemental un levier de transformation et, in fine, de performance durable ? Une réflexion menée par Maïlys Vicaire, Co-directrice des programmes dirigeants de l’EDHEC, et François Raffin, CEO-fondateur de AUKI, expert en Sustainable Change & Innovation et co-créateur de la formation "Stratégie RSE: Créer de la valeur responsable et durable" de l’EDHEC. 

 

Pourquoi la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) est-elle un enjeu incontournable pour les dirigeants ? 

Maïlys Vicaire : Dans le contexte actuel, les entreprises n’ont effectivement plus le choix. Une pression globale s’exerce sur elles, et sur leurs dirigeants. Elle émane en premier lieu des consommateurs, dont les attentes ont profondément évolué – il suffit d’observer le succès des marches pour le climat, ou d’applications comme Yuka ou BuyOrNot. Mais cette pression est également légale : on pense aux lois Grenelle ou PACTE, ou à l’obligation du reporting extra-financier. Même au niveau international, les institutions prennent des engagements nouveaux, à l’instar des Objectifs de Développement Durable des Nations Unies. Sur le plan social – car la stratégie RSE ne se limite pas aux enjeux environnementaux – la pression pour plus de valeur partagée est de plus en plus forte, notamment de la part des partenaires sociaux. En fait, l’ensemble des parties prenantes des organisations intègrent peu à peu ces enjeux environnementaux et sociaux. Un acteur de la grande consommation qui souhaite être référencé chez un distributeur par exemple, doit désormais témoigner de son engagement RSE : c’est une nouveauté majeure.  

François Raffin : J’ajouterais que de plus en plus d’aides gouvernementales sont conditionnées au fait d’être actif sur le plan de la Responsabilité Sociétale des Entreprises, en particulier en ces temps de crise. Par ailleurs, les investisseurs contribuent également à nourrir cette pression globale. En 2018, la Task Force on Climate-related Financial Disclosures (TCFD) a été créée au niveau mondial pour bâtir un référentiel sur le sujet : les entreprises sont invitées à communiquer de manière transparente sur leurs risques liés au réchauffement climatiques. Même si rien n’est encore obligatoire, il est difficile de communiquer sur ces risques sans tenter d’agir pour les réduire.  

 

Dans ce contexte d’une grande complexité, comment définir une "entreprise responsable"?  

François Raffin : La définition classique consiste à dire qu’une entreprise est responsable lorsqu’elle parvient à équilibrer les dimensions économique, sociale et environnementale. Mais la notion de proactivité est également essentielle.  

Maïlys Vicaire : En effet, une entreprise réellement responsable s’engage de manière volontaire et va au-delà des exigences légales.  

François Raffin : Sur le plan de la RSE, les consommateurs ne s’attendent pas à ce que les entreprises soient parfaites du jour au lendemain. Ils attendent plutôt d’elles qu’elles avancent de manière volontaire et transparente, sans raconter d’histoires. Le greenwashing est encore très présent, les consommateurs en ont pleinement conscience. Considérer la stratégie RSE de manière cosmétique devient intenable. C’est particulièrement le cas pour les entreprises B2C, mais de plus en plus aussi pour les entreprises B2B, qui connaissent une pression grandissante de la part de leurs partenaires et clients.  

 

Comment faire pour dépasser le greenwashing, justement ? 

Maïlys Vicaire : En considérant la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) non pas comme un énième module de l’entreprise ou un sujet de pure communication, mais comme un pilier stratégique transverse, qui diffuse au sein de toute la société.  

François Raffin : Il faut accepter de repenser l’entreprise en profondeur, jusqu’au "modèle mental" qui la sous-tend. Toute organisation humaine est animée par des croyances enracinées, qui motivent et teintent les décisions du quotidien. Intégrer pleinement la Responsabilité Sociétale des Entreprises, c’est interroger ces croyances, comme celle qui place le profit en tête des finalités de l’entreprise, ou celle qui voudrait que la croissance infinie soit possible dans un monde fini. Par extension, l’ensemble des métiers et de la chaîne de valeur doivent être repensés

 

En quoi la RSE est-elle liée à la notion de résilience ? 

François Raffin : La résilience se définit souvent en miroir de la notion de résistance. Résister, c’est traverser la crise en restant inchangé. Être résilient, c’est traverser la crise en étant transformé : en adaptant son offre, sa façon de travailler ou son organisation par exemple. Dans un monde complexe et fondamentalement imprévisible, la résistance finit par se briser. La résilience est, par essence, plus durable : elle suppose d’apprendre, de tester, de dépasser des échecs. 

 

Pourquoi les dirigeants ont-ils intérêt à se former pour s’approprier ces sujets autour de la RSE? 

François Raffin : Tout d’abord parce que les entreprises ont un vrai rôle à jouer dans la transformation de notre société. Pour faire émerger un monde durable, la capacité à entreprendre est indispensable. Les dirigeants ne sont pas à ces fonctions par hasard, ils ont le courage, l’intelligence, la lucidité et les moyens d’action pour construire l’avenir. Pour autant, ils ont de nombreuses raisons de se sentir paralysés – notamment par la masse de normes existantes ou l’évolution rapide des enjeux. La RSE implique tant de dimensions différentes à intégrer et à mettre en cohérence, que se faire seul une opinion est quasiment impossible. Une formation comme "Stratégie RSE: Créer de la valeur responsable et durable" réunit des intervenants variés, dans un cadre de réflexion cohérent, pour accompagner les dirigeants dans la construction de leur propre vision et leur donner les moyens d’agir. 

Maïlys Vicaire : Par ailleurs, la résilience suppose de faire une pause dans le "business as usual" pour s’accorder un moment de réflexion. Se former, c’est justement prendre le temps de réfléchir au sens à donner à la suite de son histoire. C’est aussi l’occasion d’apprendre de l’expérience d’entreprises de tous les secteurs. Pour cela, chaque journée de la formation inclut un témoignage d’entreprise. Une learning expedition (qui sera en mode virtuel pour la session de décembre) permet également aux participants d’aller à la rencontre d’entreprises inspirantes, sur le terrain. Chacune témoigne non seulement de ses succès, mais aussi de ses échecs, de ses difficultés. Car en matière de RSE les entreprises sont dans des boucles récursives apprenantes : rien n’est évident, ni linéaire.  

 

Pouvez-vous citer quelques exemples d’entreprises inspirantes en matière de RSE?  

François Raffin : Les participants à la formation rencontreront notamment la société Interface, spécialisée dans les dalles de moquette. Dans les années 1990, son fondateur s’est interrogé sur son impact environnemental, car son activité dégageait du carbone, utilisait des colles polluantes, des plastiques. En 1996, il a décidé de se fixer un objectif ambitieux : 0 émissions nettes de carbone dans vingt ans. Autant dire que tout le monde a ri ! Pourtant, l’entreprise s’est mise en route. Ils ne savaient pas comment ils allaient procéder, mais 20 ans plus tard, le résultat était là : en 2016, 0 émissions nettes de carbone. Et ce n’est pas terminé : aujourd’hui ils cherchent à relever nouveau défi, celui de créer une moquette régénérative pour avoir un effet positif sur l’environnement.  

Maïlys Vicaire : Nous rencontrons également un ancien cadre dirigeant du Groupe Mars, qui abordera la dimension sociale de la RSE. Il est très actif sur les sujets liés à la question de la gouvernance, au partage de la valeur ou à la raison d’être que l’on donne à son activité.  

François Raffin :  Ce qui est intéressant, c’est d’entendre des témoignages d’entreprises de tailles et de secteurs très différents, de la PME du bâtiment à la multinationale alimentaire. La seule contrainte donnée à ces entreprises est celle de la transparence : elles s’expriment sans fards, sans faire l’impasse sur leurs difficultés et leurs doutes.  

 

Ces entreprises incarnent aussi l’idée que RSE et performance ne sont pas des notions contradictoires…  

François Raffin : Une étude menée par France Stratégie montre que les entreprises les plus engagées en matière de RSE présentent un gain de performance de 13 % par rapport aux autres.  

Maïlys Vicaire : En effet, en dépit de la vieille idée selon laquelle la RSE représenterait des coûts mais ne rapporterait rien, tout le monde sait aujourd’hui qu’elle est source de compétitivité. Une entreprise proactive et sincère en la matière est reconnue par les consommateurs et les parties prenantes. La RSE est aussi un élément clé pour l’attractivité vis-à-vis des talents, en particulier les plus jeunes.  Une stratégie RSE peut être une vraie source d'opportunités!

 

Peut-on considérer qu’intégrer pleinement la RSE à son modèle corresponde à une démarche d’innovation, qui serait déployée à l’échelle de toute l’entreprise ? 

François Raffin : En effet, agir en profondeur requiert d’innover sur tous les plans, des offres de produits et services aux modes de distribution, en passant par le mode de fonctionnement, l’organisation, le management. Mais il ne s’agit pas non plus de faire table rase : une entreprise est un organisme vivant, une communauté humaine qui s’inscrit dans une histoire qu’il ne s’agit pas de renier. Au contraire, la notion de responsabilité est liée à la raison d’être, aux valeurs de l’entreprise. Pour réussir cette réinvention globale, il est indispensable d’identifier son ancrage – la "quille du bateau" pourrions-nous dire. C’est en s’appuyant sur ces repères que l’on peut clarifier son cap et poser ses priorités, pour agir et avancer.  

Maïlys Vicaire : C’est pour cela que la formation "Créer de la valeur responsable et durable" ne vise pas simplement à dresser un panorama des lois qui existent en matière de RSE ou à présenter aux dirigeants des outils de mise en œuvre. Pendant ces 5 jours, les dirigeants réfléchissent et travaillent vraiment sur la réinvention, opérant à la fois un retour aux racines de leur entreprise et une projection innovante vers l’avenir. 

 

Pour en savoir plus sur la formation "Stratégie RSE : Créer de la valeur responsable et durable" et sur tous les programmes pour dirigeants d’EDHEC Executive Education : [email protected]

 

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