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Spotlight – RSE et Développement durable : "L’analyse du cycle de vie et l’éco-conception sont des leviers de compétitivité pour les entreprises."

Dans une société marquée par une forte prise de conscience environnementale et sociale, les entreprises n’ont plus le choix : elles doivent placer la responsabilité au cœur de leur modèle d’affaires…

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15 oct 2020
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Dans une société marquée par une forte prise de conscience environnementale et sociale, les entreprises n’ont plus le choix : elles doivent placer la responsabilité au cœur de leur modèle d’affaires. Et si cette transformation était une opportunité unique d’innover, mais aussi de construire une stratégie à la fois performante et pérenne ? Et si l’éco-conception était la clé ? Ces questions font partie des sujets abordés par Hélène Teulon lors de la formation "Stratégie RSE: Créer de la valeur responsable et durable" d’EDHEC Executive Education. Pionnière de l’analyse du cycle de vie (ACV) et fondatrice du cabinet de conseil en ACV et éco-conception Gingko 21, elle est également l’auteur du Guide de l’éco-innovation (Eyrolles, 2014).

 

Quelle est la mission de Ginko 21, le cabinet de conseil que vous avez fondé en 2005 ?

Hélène Teulon : Avec Ginko 21, nous accompagnons les entreprises dans leur transition vers l’économie de demain en mobilisant quatre compétences clés : l’analyse du cycle de vie, l’éco-innovation, l’écologie industrielle et territoriale (EIT) et la formation. L’analyse du cycle de vie est une mesure de l’impact environnemental et social des produits, services ou organisations. Avec l’éco-innovation, nous nous appuyons sur le bilan de l’ACV pour concevoir une offre plus vertueuse. Quant à l’EIT, elle consiste à faire travailler ensemble les acteurs d’un même territoire, afin d’identifier des synergies et mutualisations, dans l’objectif de réduire leur impact, d’améliorer la performance globale du territoire et la performance économique de chacun, ainsi que de créer du lien social. Pour s’approprier ces sujets clés, il est indispensable d’être sensibilisé et accompagné : la formation est donc incontournable.

 

Pourquoi l’ACV et l’éco-conception sont-elles devenues des sujets centraux pour les entreprises ?

Depuis plusieurs années, nous observons une prise de conscience sociétale majeure. Les consommateurs sont de plus en plus sensibles au produit ou au service qu’ils achètent, mais aussi à la marque. Cela pose un enjeu d’image crucial : une entreprise qui paraît irresponsable, se moquant de son impact environnemental et social, risque de perdre son capital confiance – une ressource stratégique, qui prend beaucoup de temps à construire.

 

Si elle est bien liée à l’image d’une entreprise, la responsabilité n’est donc pas un pur enjeu de communication.

En effet. Pendant longtemps, la Responsabilité sociale et environnementale (RSE) était comme un bouquet de fleurs présenté à côté du business de l’entreprise – pour faire joli, en quelque sorte. Depuis peu, les deux se rejoignent. Les entreprises réalisent à quel point la RSE est liée à leur performance globale. Au cœur de l’équation d’affaires d’une entreprise, elle est de plus en plus reconnue et appropriée comme un levier d’attractivité, de compétitivité et de pérennité.

 

À quels niveaux la responsabilité vient-elle nourrir l’attractivité d’une entreprise ?

Une entreprise responsable est non seulement plus motivante pour ses collaborateurs, mais aussi plus attractive pour les talents – on sait notamment à quel point les jeunes générations sont particulièrement sensibles à ces enjeux. Et ils ne sont pas les seuls ! Les investisseurs le sont également : nous l’observons à travers le développement des fonds verts ou à vocation sociale. Côté clients, on estime qu’aujourd’hui 20 % d’entre eux sont prêts à choisir un produit plus écologique et responsable, même s’il est plus cher – c’est significatif. Par ailleurs, initier une démarche responsable permet de s’intégrer à un écosystème composé d’autres entreprises engagées dans un mouvement similaire, qui peuvent devenir des partenaires intéressants et stimulants. L’impact est vraiment global. 

 

Quel est le rôle plus spécifique des dirigeants dans ce mouvement vers plus de responsabilité ?

L’une des normes ISO sur l’éco-conception est dédiée à son management : elle stipule que l’impulsion doit venir d’en haut. Ce point est essentiel. Évidemment, le sujet concerne la R&D et le Marketing. Mais il concerne aussi les autres départements de l’entreprise : les ventes, l’après-vente, l’image de marque… Si l’impulsion ne vient pas de la direction, les différents départements risquent de ne pas être alignés. Les dirigeants ont beaucoup à y gagner, car l’éco-conception est un outil de management puissant. Elle permet d’emmener les collaborateurs vers un horizon commun et d’instiller une énergie très forte. L’histoire d’entreprises comme Patagonia, emmenée par Yvon Chouinard, ou Interface, par Ray Anderson, le montre bien : ces dirigeants charismatiques à l’esprit pionnier ont réussi à partager leur enthousiasme et à aligner toutes les énergies au sein de leurs organisations, afin de construire une performance durable.

 

L’éco-conception peut-elle être assimilée à une démarche d’innovation ?

En effet. S’interroger sur l’impact de leurs produits oblige les entreprises à poser un regard différent sur leur activité, ce qui les amène la plupart du temps à innover bien au-delà du champ de la performance environnementale. La logique est simple : pour réduire les impacts il est nécessaire de "reconcevoir" son produit, donc de repartir d’une page blanche et de s’interroger non seulement sur sa performance environnementale mais aussi sur d’autres paramètres, comme la satisfaction client. L’ACV mène presque inévitablement à une analyse fonctionnelle, à une analyse d’usage. Il y a quelques semaines, lors des Assises de l’économie circulaire de l’ADEME, trois entreprises témoignaient ainsi au sujet de l’éco-conception, considérant cette approche comme un levier d’innovation puissant. Cela ne fonctionne, toutefois, qu’à condition de considérer l’éco-conception dans toute sa profondeur : il ne s’agit pas seulement de remplacer un matériau fossile par un matériau biosourcé, par exemple. L’approche doit être globale.

 

Tous les types d’entreprises sont-ils concernés ?

Tout à fait. Ce qui concernait principalement les entreprises B2C au départ concerne aussi, de plus en plus, les entreprises B2B, même si les enjeux restent légèrement différents. En B2C, il s’agit de formuler les bons messages et de travailler en profondeur sur l’image de marque. En B2B, il s’agit plutôt d’apporter des preuves : des partenaires demanderont peut-être des résultats d’ACV ou des mesures sur certains indicateurs spécifiques. En termes de secteur, tous sont concernés également. Chez Ginko 21 nous travaillons autant avec des start-ups que des grands groupes, dans des champs aussi divers que l’agro-alimentaire, l’hôtellerie, l’industrie lourde, le BTP… Les services sont peu en retard, car ils ont longtemps pensé qu’ils ne polluaient pas. Ils réalisent aujourd’hui qu’ils avaient tort.

 

Quels sont les facteurs de succès clés d’une démarche d’éco-innovation ?

Il y en a plusieurs, que je détaillais dans le Guide de l’éco-innovation. L’un d’entre eux est le fait d’adopter une approche transverse : à la fois au sein de l’entreprise, en dépassant les silos, mais aussi au-delà des frontières de l’entreprise. Considérer le cycle de vie de ses produits dans son intégralité demande en effet d’interroger ses fournisseurs et jusqu’aux fournisseurs de ses fournisseurs, mais aussi les usagers. En nous obligeant à élargir ainsi notre perception d’un produit de l’extrême amont à l’extrême aval, l’éco-conception nous ouvre de belles opportunités stratégiques. Par exemple, lorsque Patagonia a fait la transition vers l’utilisation de coton bio, il a fallu convaincre toute la chaine de production d’utiliser ce matériau aux propriétés différentes, jusqu’aux entreprises chargées de fabriquer le fil ou de le tisser. Yvon Chouinard a témoigné de l’intérêt immense de cette démarche, qui leur a permis de se rendre dans les ateliers, sur le terrain. En observant les machines utilisées par leurs fournisseurs, les équipes ont eu des idées nouvelles, imaginant par exemple de nouvelles possibilités de motifs textiles à développer. Cette manière de nouer des relations avec toutes les parties prenantes de l’entreprise a toujours un impact considérable, bien au-delà du champ environnemental ou social.

 

Pourquoi est-il essentiel que les dirigeants se forment, pour initier cette dynamique ?

Pour donner l’impulsion, les dirigeants doivent être à la fois convaincus et convaincants. D’où la nécessité d’une formation, qui permet d’être crédible, d’orienter ses équipes et de prendre les bons arbitrages. C’est tout l’objet d’un programme ciblé tel que la formation "Stratégie RSE : Créer de la valeur responsable et durable". Plus largement, se former sur ces sujets permet aussi aux dirigeants de comprendre l’importance de devenir une "entreprise apprenante". Car saisir tout le potentiel de l’éco-conception c’est aussi savoir apprendre de son expérience, observer ce qui fonctionne ou non et tirer continuellement des leçons des projets menés. L’appropriation de cette posture apprenante par toutes les forces vives de l’entreprise est la condition pour que l’éco-conception devienne plus qu’une règle, un véritable réflexe.

 

Votre mot de la fin ?

Un seul mot : "maintenant" ! Cette transformation ne se fera pas en une nuit. Elle nécessite de former des gens, d’acquérir des outils, d’engager des projets qui ne réussiront pas nécessairement du premier coup. La durée de ce processus dépend du contexte de chacun, mais au rythme auquel la société évolue et le climat se dégrade, il faut agir dès maintenant pour ne pas être à risque sous peu.

 

Pour plus d’informations sur la formation "Stratégie RSE: Créer de la valeur responsable et durable", contactez-nous : [email protected]

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