Témoignages d’étudiants GETT confinés, entre visioconférences et visions du futur
Le programme GETT EDHEC, Global Economic Transformation & Technology est un parcours international du Programme Grande Ecole, construit sur un programme d’échange en Corée du Sud et un en Californie, en partenariat avec deux institutions prestigieuses que sont la Sungkyunkwan University SKK Graduate School of Business et Haas School of Business, University of California Berkeley.
En ces temps de confinement, nous avons interrogé 3 étudiants du parcours GETT 2020, pour en savoir plus sur leur ressenti et leur expérience pendant cette période si particulière.
Rachel Msika
“Si une chose positive devait ressortir de tout cela, c’est que cette crise fasse réagir la société !”
Rachel Msika, 21 ans, suit le programme GETT à l’EDHEC. Elle est actuellement en Master 1 à Sungkyunkwan University (SKK) en Corée du Sud.
Vous étudiez actuellement à Séoul. Avez-vous hésité à rentrer en France lorsque la crise s’est déclenchée en Asie ?
J’ai suivi les consignes du Ministère et les recommandations de la Direction de notre programme. Je voulais vivre cette expérience à l’étranger, il était hors de question pour moi de rentrer en France. Au départ, je n’imaginais pas une propagation aussi importante et je n’ai absolument pas eu peur du coronavirus lorsqu’il est arrivé en Corée. Mon inquiétude a grandi depuis qu’il a touché massivement l’Italie puis la France, où sont la majorité de ma famille et mes amis.
Quelle est votre organisation au quotidien ?
Les premières semaines, nous suivions un mix de cours en ligne et en présentiel, avant de basculer complètement online mi-février. Cela n’a pas été facile au début. Etudier dans nos 10m2 était impensable, alors on allait dans des cafés mais c’est devenu trop bruyant pour se concentrer. J’ai progressivement trouvé mon organisation : je fais des plannings pour prévoir des temps pour les cours, des moments pour faire du sport, préparer à manger, faire mes recherches de stages… Des chambres se sont libérées dans la résidence étudiante - un goshiwon en Corée – et le responsable nous a autorisés à les utiliser pour travailler. Je ne suis pas seule ici, nous sommes 5 étudiants du programme à vivre dans la résidence !
Comment êtes-vous accompagnés par les professeurs ?
Ils ont mis en œuvre beaucoup d’efforts pour que les cours online se déroulent au mieux. Nous utilisons la plateforme Zoom, qui permet aux élèves de suivre les cours en direct, de participer et de poser facilement des questions. Les professeurs se montrent très disponibles et répondent pendant le cours ou au début du cours suivant. Ils encouragent l’interaction en créant des sondages en ligne pour que chacun puisse exprimer son point de vue. Nous allons reprendre les cours à l’Université lundi prochain avec les étudiants MBA. Côté EDHEC, nous sommes en lien régulier avec l’équipe en charge du programme GETT. La semaine dernière, nous avons notamment participé à une réunion (visio) avec Ludovic Cailluet et Richard Perrin.
Quels conseils donneriez-vous aux étudiants français qui viennent de basculer online ?
Ne pas suivre les cours depuis son lit ! L’objectif est de créer un environnement de travail favorable. Par exemple, ne pas garder son téléphone à proximité, c’est une grosse tentation. Je souhaite un bon courage à tous en France, j’espère que le confinement finira bientôt !
Avez-vous le sentiment que cette crise entrainera des changements profonds ? Aura-t-elle un impact sur votre vision de la société ou vos aspirations de carrières ?
Oui, j’espère qu’il y aura des changements. Si une chose positive devait ressortir de tout cela, c’est que cette crise fasse réagir la société ! Je pense en particulier au secteur de la santé, en France et plus globalement en Europe et aux Etats-Unis. Cette période de confinement va faire évoluer les mentalités. Le fait d’être privé de liberté aura forcément un impact.
De mon côté, la période actuelle ne fait que conforter mon projet professionnel. Déjà avant mon expérience en Corée, j’étais particulièrement intéressée par les problématiques de transition vers une alimentation plus saine, plus respectueuse de l’environnement, notamment en ce qui concerne le packaging… En faisant mes courses à Séoul, il m’est arrivé de voir du plastique utilisé pour emballer une banane à l’unité !
Je souhaiterais faire mon prochain stage en venture capital, orienté Foodtech ou alors Cleantech. J’aimerais que mon travail ait un impact positif sur la santé et l’environnement.
Alexandre Hoba
“La transition vers le 100% online s’est faite en douceur”
Etudiant au sein du programme GETT, Alexandre Hoba (21 ans) est actuellement en Master 1, à Sungkyunkwan University (SKK) en Corée du Sud.
Pourquoi avez-vous préféré rester à Séoul ?
Je suis arrivé ici en janvier. Au départ, Séoul n’était pas concerné par le coronavirus, et ne l’est toujours que très peu. A partir du début du mois de février, l’Université a d’abord mis en place un programme de cours hybride online/offline, avant de basculer totalement online. La transition s’est vraiment faite en douceur. Le temps de se poser la question… et la situation devenait plus sérieuse en Italie puis en France. Ici nous ne sommes pas en confinement strict et nous ne l’avons jamais été. Je suis par ailleurs en colocation avec deux autres étudiants du programme GETT, nous ne sommes pas seuls. Finalement, la situation en Corée de Sud semble stabilisée : mon programme reprend les cours en présentiel le 6 avril.
Les cours à distance ont-ils modifié votre organisation au quotidien ?
Mon emploi du temps a été maintenu. Généralement, j’ai 4 heures de cours dans la journée, 2 heures le matin, 2 l’après-midi. Parfois 6 heures en comptant les électifs. Tous les cours sont donnés sur Zoom, une application qui d’ailleurs flambe actuellement en Bourse avec l’explosion des visioconférences ! Il faut être motivé et bien délimiter les zones de travail et de repos. Je vais aussi régulièrement faire du sport à l’extérieur.
Comment se passent les cours en ligne ?
Les professeurs font cours de la même manière mais devant un ordinateur, chez eux ou à l’université. Ce sont les mêmes programmes. Nous avons un « chat » pour poser en « live » des questions auxquelles les professeurs peuvent répondre. Certains professeurs se sont adaptés très vite pour faire cours tout en maniant les outils technologiques. Il y a également une fonctionnalité intéressante qui permet de séparer tous les élèves en petits groupes de 4-5 pour reproduire des sessions « façon TD ». Cela rend les cours plus vivants et plus interactifs.
Comment êtes-vous accompagné par vos professeurs / l’équipe EDHEC ?
Nous avons la chance d’avoir une équipe qui nous suit de très près, qui prend de nos nouvelles et nous envoie très régulièrement des mails. La semaine dernière, nous avons par exemple fait une visioconférence avec le directeur du programme et le directeur international pour échanger et répondre à nos questions, notamment en matière de visas.
Quels conseils donneriez-vous aux étudiants qui viennent de passer en enseignement à distance ?
Se créer une routine, se lever tôt (ce qui signifie aussi ne pas se coucher trop tard), s’habiller, ne pas rester en pyjama !
Plus globalement concernant la crise du coronavirus, pensez-vous qu’il y aura un avant / un après ?
Je n’en doute pas. Tout le monde est conscient qu’il y aura un avant et un après, que ce soit sur le plan économique, mais aussi au niveau de l’éducation et de la santé…
Comment la crise vous semble-t-elle vécue en Corée, en comparaison avec la France ?
Les pays asiatiques ont déjà été confrontés à un premier coronavirus en 2003, le SRAS, et plus tard le MERS. Ils en ont tiré les leçons et la Corée du Sud était bien préparée pour le Covid-19. Dès le début de l’épidémie, il y a eu un dépistage de masse : plus de 20 000 tests par jour. Plusieurs facteurs se sont combinés et ont permis une gestion maîtrisée de l’épidémie : dépistage massif par « drive » ou « cabine téléphonique », ajustements en termes d’organisation (télétravail, décalage des horaires des fonctionnaires etc.), transparence des autorités sur le nombre de cas et l’endroit où ils ont été détectés. Les Coréens, déjà nombreux à porter quotidiennement un masque à cause de la pollution de l’air, sont aussi tous équipés depuis le début de l’épidémie.
Emilie Touvet
“Cette crise inédite renforce ma vocation : celle de travailler pour l’Economie Sociale et Solidaire”
Emilie suit le parcours international GETT de l’EDHEC. En double diplôme depuis janvier dernier à la Graduate School of Business de l’Université de Sungkyunkwan (SKK). Elle a choisi, en pleine crise du coronavirus, de rester à Séoul. Elle nous raconte son quotidien et son expérience des études à distance à l’ère du confinement.
Qu’est-ce qui a motivé votre choix de rester en Corée ?
Je suis arrivée à Séoul début janvier pour un séjour de près de 4 mois en double diplôme à l’université SKK. J’ai donc vécu les prémices de la pandémie ici en Corée, sans imaginer quelle ampleur elle allait prendre quelques semaines plus tard en Europe. Tant que les conditions sanitaires le permettaient, ma motivation profonde était de vivre jusqu’au bout cette expérience internationale exceptionnelle. L’EDHEC comme SKK ont su être particulièrement présents et attentifs pendant cette période. Ils nous ont laissé le choix de rester. Pour nous permettre de poursuivre sereinement l’aventure, ils se sont très rapidement adaptés sur place, se montrant à l’écoute de chacun et nous tenant informés des évolutions de la situation par Skype, mails ou encore Workplace.
Quel est votre quotidien à l’ère du confinement ?
En Corée, le gouvernement a choisi une réponse technologique efficace plutôt qu’un confinement total. A Séoul, si les universités et les lieux culturels sont fermés, les cafés et les restaurants restent ouverts, et nous pouvons nous déplacer librement. Ce qui change, ce sont les cours que l’on suit à distance. La vie quotidienne est réglée différemment. Auparavant rythmée par les allers et venues entre l’université et notre goshiwon – maison étudiante typique en Corée-, nos journées de cours se déroulent aujourd’hui principalement dans nos chambres.
Paradoxalement, cette situation nous conduit à des rencontres plus fréquentes. Entre étudiants du monde entier, nous nous ménageons de beaux moments de partage et d’échanges chez nous ou à l’extérieur. Les repas que nous prenions habituellement au restaurant universitaire sont remplacés par de belles découvertes culinaires dans notre cuisine commune. Les liens sont spontanés et conviviaux. Nous avons le sentiment de partager une communauté de destin, à l’autre bout du monde. Cela nous rapproche beaucoup au-delà de nos frontières culturelles.
Quelle est votre expérience de l’enseignement à distance ?
Je suis entre 3h et 4h de cours par jour dans des disciplines très variées : marketing digital, coding, analyse financière, coréen. Certains professeurs ont été réellement impliqués pour rendre l’enseignement à distance plus attractif, maitrisant rapidement les fonctionnalités Zoom, incorporant des quizzs… L’interaction avec eux n’est pas abolie, elle est différente. Nous pouvons poser nos questions en activant directement notre micro ou via un chat écrit. Cela nous aide à les structurer, cela permet aussi à des étudiants plus timides d’intervenir. Pour certains cours comme le coding, je peux revoir en replay des points techniques, c’est un avantage sur le présentiel !
Un conseil pour tirer profit de l’enseignement à distance ?
Eteindre son téléphone portable pour ne pas se laisser distraire !
Que retirez-vous de cette expérience ?
C’est un temps d’introspection où l’on apprend à mieux se connaître, à s’organiser et à réfléchir à ce que l’on veut réellement faire de sa vie. On découvre l’autonomie - apprendre seul devant son ordinateur – mais aussi la solidarité et l’entraide avec ses camarades. On prend soin de ses proches, même à distance. Je n’ai jamais autant communiqué avec ma famille qu’en cette période de confinement ! Chaque samedi à 14h, nous organisons des rendez-vous zoom où nous prenons des nouvelles de tout le monde.
Quels sont vos projets ? Cette crise a-t-elle modifié vos souhaits de carrière ?
J’envisageais de travailler dans le secteur de l’ESS (Economie Sociale et Solidaire), et plus particulièrement dans le financement de l’entrepreneuriat social. Cette crise sanitaire sans précédent m’a renforcée dans cette idée, notamment grâce aux beaux mouvements de solidarité qui ont su en émerger. J’espère que cette expérience marquera assez les esprits pour pousser les gens à agir et s’engager dans le futur. Pour moi cette crise est révélatrice des maux de notre société. Elle nous fait prendre conscience de problèmes sociaux majeurs comme l’isolement, la maltraitance, l’inégalité d’accès aux soins. Comme beaucoup d’autres problèmes actuels, la santé est un enjeu global, la réponse doit être mondiale !