Dialogue Social et Inégalités : le cas Français
Un ouvrage[1] coordonné par le Bureau International du Travail (BIT) traitant de la manière dont les politiques de l’emploi, du marché du travail et les relations professionnelles jouent sur la formation des inégalités vient de paraitre. Ce livre présente le résultat des travaux d’un groupe d’experts européens dont Pierre Courtioux, chercheur au Pôle économie de l’EDHEC Business School. Dans cet ouvrage qui reprend les résultats d’une recherche comparative effectuée pour le BIT et la Commission Européenne, Pierre Courtioux co-signe le chapitre sur le cas français intitulé « Dialogue social en France sous pression : la sécurité des travailleurs peut-elle être assurée dans un contexte d'accroissement de la flexibilité de l'emploi ? [2]»
Il explique :
« Dans le cas de la France, les réformes récentes ont poussé à une décentralisation des négociations collectives au niveau de l’entreprise sur un certain nombre de sujets.
Notre analyse montre que les effets sur les inégalités de salaire et d’emploi risquent d’être très différents selon les secteurs d’activités : certains secteurs vont voir se réduire les inégalités en leur sein, mais rien ne garantit que l’on n’ira pas vers une augmentation des inégalités au niveau de l’ensemble du marché du travail.
Dans le cadre de ces réformes à l’œuvre en France, les dispositifs, qui comme le compte personnel de formation (CPF) visent à sécuriser les transitions sur le marché du travail en favorisant notamment la portabilité des droits pour les salariés, apparaissent cruciaux. »
C’est à cette seule condition que le succès de toute stratégie de « Flexisécurité » pourra être assuré en France. Depuis plus de 30 ans, le dialogue social est sous pression avec de nombreux conflits liés à l’assurance chômage (mode de financement, critères d’éligibilité, rôle de l’Etat et des syndicats). Il s’agit aussi de mener un dialogue social plus « innovant », ce qui s’avère possible.
Le secteur culturel : un exemple de dialogue social « réussi » ?
Les chercheurs illustrent leur propos en s’appuyant sur l’exemple de la négociation collective menée dans le secteur culturel et l’accord obtenu en 2016. Dans ce secteur, qui se caractérise par une « croissance importante mais une fragmentation accrue et des inégalités de revenus importantes », l’assurance chômage joue un rôle central pour couvrir les périodes non travaillées.
Pourtant, un processus de négociation tendant à réduire les inégalités s’est traduit en 2016 par « des politiques assez volontaristes soutenues par les syndicats et par l'Etat », mais aussi, par le recours à de « nouveaux outils et ressources pour le dialogue social », en particulier « les experts dans l'élaboration de différents scénarios politiques et l'amélioration de la qualité de l'information pour les partenaires sociaux, introduisant ainsi de nouveaux types d'acteurs dans le dialogue social ».
Pierre Courtioux ajoute : « Dans ce cas particulier, l’expertise ne s’est pas substituée à la négociation mais a contribué à la structurer de manière constructive. Il s’agit donc d’un cas représentatif du modèle classique du dialogue social français dans lequel ont été mobilisés des outils et ressources innovantes ».
[1] Courtioux P., Erhel C. (2018), “Social dialogue in France under pressure: Can worker security be achieved in a context of increasing job flexibility?” in Vaughan-Whitehead (ed), Reducing inequalities in Europe. How industrial relations and labour policies can close the gap, Edward Elgar, p.168-207.
[2] « Social dialogue in France under pressure: Can worker security be achieved in a context of increasing job flexibility? ».