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À la rencontre de Raman Uppal, un professeur qui bouscule les certitudes pour faire avancer les connaissances

Raman Uppal , Professor

Si vous demandiez à Raman Uppal ce qui le motive en tant que chercheur en finance, sa réponse serait d'une simplicité déconcertante : la quête de la vérité dans un monde plein d'incertitudes. Cette quête l'a conduit de Delhi à Philadelphie, de Vancouver à Londres, et aujourd'hui à l'EDHEC Business School, où il continue de repenser la manière dont les individus prennent des décisions financières dans un monde de plus en plus complexe...

Temps de lecture :
24 juin 2025
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Né à Delhi, Raman Uppal grandit dans une famille d'entrepreneurs où les décisions sont un sujet récurrent à table. Cette exposition précoce à la réflexion stratégique le conduit à étudier l'économie au St. Stephen's College, l'établissement le plus prestigieux du pays dans cette discipline, une décision qui le propulsera finalement bien au-delà des frontières de son pays natal...

Mais ce n'est pas seulement sa curiosité intellectuelle qui a déterminé la suite de son parcours. Quelques années plus tard, alors qu'il fait de l'alpinisme avec des amis qui sont en doctorat à l'université de Pennsylvanie, l'un d'eux lui dit que le programme en question est bien plus difficile que l'escalade elle-même. Cette remarque spontanée est un tournant décisif.

 

Raman postule à puis intègre la Wharton School (UPenn), où il obtient une maîtrise, un MBA puis un doctorat en finance, qu'il termine en 1989 en soutenant sa thèse intitulée « Three Essays in International Finance ».

Entre temps, une erreur fortuite de son directeur de thèse, qui pensait qu'il avait une formation en ingénierie, contraint Raman à se plonger dans les mathématiques. « Il était certain que je connaissais déjà toutes les mathématiques qu'il utilisait », se souvient-il en souriant. « J'ai donc dû apprendre par moi-même tout ce qu'il pensait que je savais. Cela m'a rendu plus mathématicien que la plupart des chercheurs en finance. » Avec le recul, cette erreur involontaire, transformée en rigueur, est devenue le fondement d'une grande partie de son remarquable travail.

 

Son premier poste universitaire le conduit à l'Université de la Colombie-Britannique (UBC) à Vancouver, où il entre en 1988. « J'ai passé mon entretien par une journée ensoleillée », se remémore-t-il en riant. « C'est rare à Vancouver, et je pense que les étoiles étaient alignées. » Outre son cadre époustouflant, l'UBC dispose à l'époque de l'un des meilleurs départements de finance au monde. « C'était un lieu collégial où j'ai appris à vraiment faire de la recherche », se souvient-il. « Un doctorat vous enseigne des concepts, mais pas comment publier des travaux de (grande) qualité. »

À l'UBC, il se spécialise en finance internationale, son premier domaine de recherche, façonné par ses travaux de doctorat. En collaboration avec Piet Sercu, un collègue universitaire spécialisé en finance qui vit dans le même complexe résidentiel que lui sur le campus, ils co-écrivent un manuel très utilisé depuis lors - International Financial Markets and the Firm - ainsi que la monographie Exchange Rate Volatility, Trade and Capital Flows, qui a remporté le prestigieux prix Sanwa Monograph Award en 1995.

 

À la fin des années 1990, Raman suit sa femme au MIT - Massachusetts Institute of Technology, puis à Londres, où il rejoint la London Business School (LBS) en 2000. Là, il remarque que peu d'universitaires s'intéressent à la finance internationale. « Tout le monde se concentrait sur les marchés financiers », explique-t-il. Il change donc d'orientation pour s'intéresser à l'évaluation des actifs et, plus précisément, à la manière dont les individus prennent des décisions financières dans un contexte d'incertitude.

 

Drawing from the groundbreaking ideas of Nobel laureates and , he began exploring how uncertainty—not just risk—shapes investment behavior. “Unlike risk, which you can model with probabilities, uncertainty cannot be modeled by probability distributions,” he says.

S'inspirant des idées révolutionnaires des lauréats du prix en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel, Lars Hansen (2013) et Thomas Sargent (2011), il commence à explorer comment l'incertitude, et non seulement le risque, façonne le comportement en matière d'investissement. « Contrairement au risque, qui peut être modélisé à l'aide de probabilités, l'incertitude ne peut pas être modélisée à l'aide de distributions de probabilités », explique-t-il.

 

Ces recherches l'amènent à étudier des modèles de portefeuille adaptés à un monde incertain. L'un de ses articles les plus cités, publié en 2009 (1), met en lumière un paradoxe frappant : les stratégies de portefeuille naïves, qui consistent simplement à répartir équitablement ses investissements entre les actifs disponibles, surpassent les modèles sophistiqués, y compris celui de Markowitz, lauréat du prix en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel (1990). Cette découverte a bouleversé des décennies de théorie financière. Son cadre correctif a établi une nouvelle norme pour la validation des modèles  financiers, suscitant plus de 4 500 citations et influençant tant le monde universitaire que professionnel.

 

En 2011, Raman Uppal rejoint l'EDHEC Business School, attiré par sa culture axée sur la recherche et la flexibilité qui lui permettait de se concentrer sur ses travaux universitaires. Il n'a toutefois pas hésité à assumer des responsabilités lorsque cela s'avérait nécessaire, occupant par exemple le poste de directeur académique du programme PhD in finance de l'EDHEC.

Ses recherches actuelles s'articulent autour de trois questions essentielles : Pourquoi les individus investissent-ils comme ils le font ? Comment devraient-ils investir ? Et quelles sont les conséquences de ces décisions d'investissement pour les marchés et l'économie ?

Ces questions couvrent les finances des ménages, la finance comportementale et les modèles d'équilibre général. Ces recherches ont été publiées dans l'American Economic Review, le Journal of Finance, la Review of Financial Studies, le Journal of Economic Theory, le Journal of Financial and Quantitative Analysis, le Journal of International Money and Finance et Management Science (2).

 

Raman enseigne également trois cours : deux cours optionnels de master en gestion quantitative de portefeuille et finance décentralisée, ainsi qu'un séminaire de doctorat sur les marchés financiers. « J'ai toujours aimé enseigner, explique-t-il. C'est une question de communication. On ne peut pas faire de bonnes recherches sans être capable de les expliquer. »

 

La curiosité de Raman Uppal reste intacte. Il y a quelques années, il se rend compte qu'il doit comprendre la technologie blockchain et les cryptomonnaies, des sujets qui gagnent du terrain dans le monde financier. « Chaque année, je me disais que je voulais m'y mettre, mais je repoussais toujours », admet-il. Il s'est donc engagé à donner un cours, se forçant ainsi à se plonger dans le sujet.

 

Avec l'aide de son épouse, qui s'est inscrite à plusieurs cours en ligne pour apprendre le peu que l'on sait alors sur ce nouveau sujet, et après d'innombrables heures passées à lire des livres blancs et des articles de recherche, Raman élabore un programme qui fait désormais partie intégrante de l'offre de master de l'EDHEC. Il voit dans la blockchain un objectif vieux de plusieurs siècles : « C'est une façon moderne de résoudre un problème très ancien : comment instaurer la confiance entre les gens pour permettre les échanges. »

 

Tout au long de sa carrière, Raman Uppal a accumulé une liste impressionnante de distinctions pour ses travaux de recherche et son enseignement, notamment plusieurs prix décernés par l'EDHEC, la LBS et l'UBC. Il a occupé des postes permanents et temporaires dans des universités prestigieuses et a été codirecteur du programme d'économie financière du Centre for Economic Policy Research (CEPR).

Mais pour lui, la véritable récompense est plus discrète : la liberté de penser, d'apprendre et de partager ses connaissances avec les autres. Qu'il travaille avec des doctorants, qu'il fasse des recherches sur des modèles financiers ou qu'il explique des concepts complexes à des étudiants en master, Raman Uppal reste animé par la même curiosité qui l'a autrefois poussé à quitter les contreforts de l'Himalaya pour les salles de Wharton. « Je ne crois pas aux silos intellectuels », dit-il. « La finance est en partie mathématique, en partie psychologique et en partie économique. Et j'aime me trouver à la croisée de ces disciplines. »

Dates clés

Depuis 2011: Professeur de Finance, EDHEC Business School (France)

2009–2010 et 2021–2022: Professeur invité, London School of Economics (Grande-Bretagne)

2002-2005: Co-directeur du programme Financial Economics du CEPR (Center for Economic Policy Research)

2002–2010: Professeur de Finance, London Business School (Grande-Bretagne)

2000–2002: Professeur associé (titulaire), London Business School (Grande-Bretagne)

1997–2000: Professeur invité, MIT Sloan School of Management, Cambridge (Etats-Unis)

1995–2000: Professeur associé (titulaire), University of British Columbia, Vancouver (Canada)

1995-1996: Professeur invité, Université Catholique de Louvain (Belgique)

1992-1995: B.I. Ghert Family Foundation Junior Professor, UBC

1988–1992: Assistant Professor, UBC

1989: Doctorat en Finance, The Wharton School

1988: MBA, The Wharton School

1986: Master en Finance, The Wharton School, University of Pennsylvania (Etats-Unis)

1983: Bachelor (avec les honneurs) en économie, St. Stephen’s College, Delhi University (Inde)

Pour en savoir plus sur Raman Uppal

Références

(1) Victor DeMiguel, Lorenzo Garlappi, Raman Uppal, Optimal Versus Naive Diversification: How Inefficient is the 1/N Portfolio Strategy?, The Review of Financial Studies, Volume 22, Issue 5, May 2009, Pages 1915–1953, https://doi.org/10.1093/rfs/hhm075

(2) Voir la page Google Scholar de Raman Uppal - https://scholar.google.com/citations?hl=en&user=ebG0uh0AAAAJ