[PUBLICATION] Combien mon diplôme rapporte t-il à l’économie ?
Dans un rapport publié ce début de semaine, France Stratégie propose une méthode d’évaluation socioéconomique des projets immobiliers pour l’enseignement et la recherche (ESR).
Impliqués dans ce projet collectif : les chercheurs d’EDHEC Economics, producteur d’une méthodologie de référence[1] pour mesurer la valeur d’un diplôme du supérieur et d’un outil open-source unique destiné à aider les parties prenantes[2] dans leurs prises de décisions. Leurs travaux sont en effet cités comme référence dans le guide d'évaluation socio-économique de l'Enseignement et de la Recherche produit par la Commission Quinet qui vient de paraitre.
Si l’ambition du rapport est plus large, EDHEC Economics tend à apporter aux porteurs de projets immobiliers des éléments pour objectiver la question suivante : faut-il réaliser tel ou tel investissement immobilier pour l’activité de l’ESR si l’on considère la richesse qui sera produite ensuite du fait de la diplomation des étudiants (paiement de l’impôt sur le revenu, de la TVA, ou des cotisations sociales, l’effet induit sur d’autres secteurs de l’économie[3], etc.) ?
D’un point de vue socio-économique (et non strictement financier) investir dans le bâtiment a un intérêt si le bénéfice est supérieur aux coûts.
« Contrairement aux outils d’analyse mobilisés pour évaluer les investissements dans l’enseignement supérieur et la recherche (ESR), qui sont essentiellement centrés sur les conséquences pour l’université ou les organismes porteurs de projet, tant en matière de coûts que de bénéfices ou revenus, l’évaluation socio-économique […] se place, non pas du point de vue de l’organisme porteur de projet, mais de celui de l’ensemble de la collectivité nationale, en intégrant dans l’analyse tous les agents impactés par le projet. Les effets d’externalités de l’enseignement, les bénéfices socioéconomiques de la diplomation, les bénéfices que retire la collectivité des résultats de la recherche, et qui s’introduisent là où les outils d’analyse actuels, fondés sur la comptabilité publique ou privée, ne voient que des coûts », mentionne le rapport.
Le rapport, comme les travaux plus spécifiques d’EDHEC Economics, propose une méthode permettant de se mettre en conformité avec la loi du 31 décembre 2012 et son article 17, qui rend l’évaluation socioéconomique (ESE) obligatoire pour tous les investissements impliquant des financements de l’État et de ses établissements publics. En complétant l’évaluation financière usuelle d’un projet immobilier, cette méthode vise à impacter la gestion de projet des entreprises de bâtiment et de génie civil qui répondent aux appels d'offres publics pour la construction de bâtiments dans le secteur de l'enseignement supérieur et de la recherche.
L’évaluation socio-économique ou analyse coût bénéfice (ACB) est très largement répandue pour les projets d’infrastructure (hôpitaux, autoroutes, etc.) avec des méthodes balisées par des guides et des référentiels disponibles.
L’ACB vise à produire des comptes spécifiques qui identifient et donnent un rapport prix/valeur pour chaque avantage et chaque coût, y compris les coûts indirects et les avantages indirects ainsi que les externalités.
L'un des enjeux pratiques de ce type d'analyse est de proposer une valeur utilisable par les professionnels pour évaluer la valeur propre (et non le rendement financier) d'un projet donné.
Or, aucun guide ou cadre méthodologique n’était disponible pour accompagner l’ACB des projets immobiliers et technologiques de l'enseignement supérieur et de la recherche (universités et bâtiments de recherche, etc.).
En outre, « les vagues successives du PIA (Plan d'Investissement d'Avenir) ont permis de dégager des investissements publics ciblés sur l'enseignement supérieur et la recherche. Le Secretariat Général Pour l’Investissement avait besoin d’un guide clair pour commencer un examen des projets en conformité avec la Loi et France-Stratégie s'est chargé de rédiger un tel guide avec l’aide des diverses parties prenantes et des experts. » explique Pierre Courtioux, chercheur d’EDHEC Economics, membre du groupe de travail.
Pour mesurer la valeur socio-économique des diplômes, les chercheurs ont pris en compte :
- Le rendement privé : prime salariale au cours de la vie (en tenant compte du risque de chômage).
- Le rendement public au travers du supplément de fiscalité (liée à la prime salariale) perçu au cours de la carrière.
- et certaines externalités (impact sur les autres secteurs de l’économie).
« En l’état actuel de l’opérationnalité des méthodes proposées, la méthode européenne (JASPERS) fait référence pour les investissements en recherche, mais on peut penser que pour la valeur de la diplomation, la méthodologie que nous proposons servira de référence dans l'UE et en France pour les porteurs de projets immobiliers et d’investissements innovants (de type innovations digitales, e-campus, etc.). Relativement souple d’utilisation, elle permet aux acteurs de terrain d'évaluer différentes options d'investissement : Nouveaux bâtiments d'enseignement - Mise en œuvre des outils numériques dans l'enseignement supérieur » conclut Pierre Courtioux.
Les résultats de l’étude et l’outil excel utilisable par les practitioners construits par EDHEC Economics sont librement accessibles en ligne sur le site de l’EDHEC.
[1] Chéron A. et Courtioux P. (2018), « Les bénéfices socio-économiques des diplômes du supérieur », Position Paper, EDHEC Business School, mai 2018.
[2] Etat, organismes publics, promoteurs immobiliers, cabinets d’études et de conseil
[3] Ce que les économistes appellent des externalités.