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Sachin Kamble: "Pour les industries manufacturières, une chaîne logistique circulaire intégrée est le principal moteur de la transition vers des processus durables"

Sachin Kamble , Professor

Sachin Kamble, professeur à l'EDHEC, souligne dans cette interview la manière dont les chaînes logistiques circulaires intégrées pourraient et devraient être mise en œuvre pour permettre aux fabricants de fonctionner en boucle fermée.

Temps de lecture :
12 déc 2023
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Quelle est la philosophie d'une chaîne logistique circulaire ?

Pour que les organisations puissent atteindre leurs objectifs en matière de développement durable, il est nécessaire de "boucler la boucle" de l'efficacité des ressources. L'innovation et l'adaptation sont les principes fondamentaux de la pensée en boucle fermée. La plupart de mes recherches étant axées sur la logistique et les chaînes d'approvisionnement (voir les références ci-dessous), je suis convaincu que le développement d'une chaîne logistique circulaire intégrée (CLC) est un moteur essentiel en ce sens, et ce dès la conception des opérations. Les CLC doivent avoir pour objectif la récupération de la valeur et la maximisation des profits. La conceptualisation d'une CLC est présentée dans cet article fondateur de C. Nuss et al.

Le concept de CLC commence par l'approvisionnement en matières premières et se termine par le retour des produits. L'efficacité de cette structure repose sur l'intégration réussie de la logistique en amont et en aval pour boucler la boucle dès la conception. Ce faisant, la CLC doit prendre en compte les défis d'une chaîne d'approvisionnement linéaire et les incertitudes de la gestion des retours de produits, permettant ainsi des processus d'utilisation et de récupération multiples. En outre, les CLC doivent mettre l'accent sur l'objectif "zéro déchet" grâce à la collaboration au sein de la chaîne logistique, en veillant à ce que les matériaux, les composants et les produits qui, autrement, n'auraient pas été utilisés (rejetés/gaspillés) ou ne pourraient pas être récupérés, soient disponibles en tant qu'intrants dans les processus de leurs partenaires.

 

Pourquoi la mise en place d'une CLC est-elle plus difficile qu'il n'y paraît ?

Il n'existe pas d'approche unique pour la mise en œuvre de la CLC, qui dépend de plusieurs facteurs. Comme nous l'avons mentionné, l'élaboration d'une CLC est la première étape vers la circularité. Une approche systémique est indispensable pour intégrer la proposition de valeur, la conception des produits, les chaînes d'approvisionnement et les outils des technologies de l'information et de la communication (TIC). Par exemple, les différentes propositions de valeur pour les entreprises peuvent aller d'un rachat, d'une location de produit ou d'un système de services pour garantir la meilleure valeur tout au long du cycle de vie du produit. Les TIC aident à gérer la complexité de la gestion de l'information en traçant et en suivant les produits tout au long de leurs multiples cycles de vie dans la chaîne d'approvisionnement.

Je tiens à souligner que les incertitudes de la chaîne d'approvisionnement peuvent être évitées en fermant les processus intentionnellement et en travaillant dans les boucles internes des stratégies d'économie circulaire telles que la réparation, la réutilisation, la remise à neuf et la refabrication. La CLC devrait favoriser la mise au point de moyens efficaces de collecte des produits usagés en tant qu'opérations de récupération de la valeur (par exemple: réutilisation, refabrication et recyclage). En outre, le point de départ de la mise en œuvre d'une CLC dans les entreprises diffère et dépend du niveau de maturité de divers autres facteurs, tels que la gestion allégée, les technologies innovantes, le soutien de la direction, la pensée écologique, etc.

 

Quelles sont les apports des dernières technologies pour faciliter la mise en œuvre de la circularité ?

Sur la base de mes connaissances dans ce domaine, je peux dire que la gestion des données joue un rôle important pour faciliter la mise en œuvre de la circularité dans une organisation. On sait que diverses parties prenantes participent au processus décisionnel de la chaîne logistique. Pour une mise en œuvre réussie de la circularité, il doit y avoir un consensus entre ces parties prenantes pour collecter, stocker, analyser et partager les informations à travers les différentes étapes de la chaîne. Toutefois, pour mettre en place une infrastructure solide de gestion des données, tous les partenaires doivent investir dans des technologies de rupture telles que le big data, l'internet des objets (IoT), l'informatique en nuage, l'intelligence artificielle (IA), etc. Une telle infrastructure est implicite pour soutenir la construction d'un environnement allégé et circulaire. Des efforts d'innovation de la part de multiples parties prenantes sont nécessaires pour développer de nouveaux modèles commerciaux basés sur la circularité.

 

Vous avez récemment publié un article sur l'industrie automobile. Pouvez-vous nous en dire plus ? Que pouvons-nous apprendre de ce secteur ?

En effet, dans l'une de nos études sur la circularité dans l'industrie automobile, nous avons constaté que les praticiens préféraient concevoir des processus de minimisation des déchets, de réutilisation, de récupération des matériaux et de réduction de la consommation de matériaux et d'énergie. Bien que ces pratiques soient principalement axées sur la réduction des coûts, les praticiens estiment que le succès dépend de l'engagement des parties prenantes dans leurs objectifs commerciaux et exige qu'elles acquièrent de nouvelles compétences. L'IA et l'IdO dédiés à la maintenance prédictive des composants critiques, en utilisant les données historiques de performance, peuvent aider les entreprises à évaluer l'état des produits et à prédire la nécessité de remplacer les pièces. Par exemple, compte tenu du coût élevé des batteries des véhicules électriques, les entreprises devront développer des systèmes de gestion des batteries capables de minimiser les coûts d'exploitation globaux et d'augmenter la durée de vie des batteries. Ces systèmes peuvent analyser avec précision l'état de la batterie et l'optimiser pour une utilisation plus prolongée.

Notre autre étude était basée sur la location de vêtements d'occasion et a révélé que la technologie blockchain peut être utilisée avec succès pour suivre l'historique d'utilisation du produit d'occasion et l'authenticité de la marque, promouvant ainsi la confiance et la circularité.

 

Selon vous, dans quelle mesure sommes-nous collectivement déterminés à mettre en œuvre la circularité "partout et tout le temps" ?

L'engagement pour aboutir à des systèmes circulaires ne fait aucun doute. Toutefois, la mise en œuvre de la circularité nécessite davantage de clarté et d'approches systématiques. Une approche plus holistique est nécessaire, qui devrait intégrer de manière transparente les chaînes logistiques en amont et en aval. La plupart des entreprises qui mettent en œuvre la circularité se concentrent principalement sur quelques pratiques d'économie circulaire dans le cadre de leurs modèles linéaires existants, ce qui peut ne pas être viable à long terme. Ces approches ne tiennent pas compte de la complexité inhérente à la gestion de la chaîne logistique, notamment de la diversité des activités, des composants et des parties prenantes, ainsi que de leur importance stratégique. L'absence d'une approche intégrée ne fera qu'ajouter à la complexité, au dynamisme et aux incertitudes.

Pour résumer, je dirais que la circularité ne peut pas être un objectif limité à une seule entreprise ou organisation. La mise en œuvre réussie de la circularité n'est possible que si nous intégrons chaque partie prenante de la chaîne logistique et si nous intégrons ensuite différentes chaînes logistiques pour développer un écosystème circulaire au niveau des filières industrielles. Ce n'est qu'à ce moment-là que les avantages de la circularité pourront être pleinement effectifs.

 

Références

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Jain, G., Kamble, S. S., Ndubisi, N. O., Shrivastava, A., Belhadi, A., & Venkatesh, M. (2022). Antecedents of Blockchain-Enabled E-commerce Platforms (BEEP) adoption by customers–A study of second-hand small and medium apparel retailers. Journal of business research, 149, 576-588. https://doi.org/10.1016/j.jbusres.2022.05.041

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Kamble, S. S., Belhadi, A., Gunasekaran, A., Ganapathy, L., & Verma, S. (2021). A large multi-group decision-making technique for prioritizing the big data-driven circular economy practices in the automobile component manufacturing industry. Technological Forecasting and Social Change, 165, 120567. https://doi.org/10.1016/j.techfore.2020.120567

Nuss, C., Sahamie, R., & Stindt, D. (2015). The reverse supply chain planning matrix: A classification scheme for planning problems in reverse logistics. International Journal of Management Reviews, 17(4), 413-436. https://doi.org/10.1111/ijmr.12046

 

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