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3 questions à Gianfranco Gianfrate sur les risques liés au financement participatif

Gianfranco Gianfrate , Professor

Avec un montant mondial potentiel de 900 milliards de dollars en 2024, les prêts peer-to-peer ne sont plus une niche. Dans un récent article publié dans l'Eurasian Business Review, Gianfranco Gianfrate, professeur à l'EDHEC, et ses coauteurs, ont analysé plus de 6 000 prêts européens entre 2012 et 2018, soulignant que les rendements ne sont pas cohérents avec le niveau de risque supporté par les prêteurs.

Temps de lecture :
23 Mar 2023
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Pourquoi avez-vous choisi d'analyser le marché des prêts peer-to-peer (P2P) ?

L'une des questions les plus fascinantes pour les spécialistes de la finance est de comprendre si la révolution FinTech entamée il y a quelques années finira par déboucher sur un monde sans banques traditionnelles. Les innovations financières telles que les paiements numériques, les crypto-monnaies et le crowdfunding rendront-elles les banques inutiles ? C'est une question intéressante qui a des implications pour les banques, les startups, les régulateurs financiers et en général pour nos vies. Nous avons choisi d'étudier, en particulier, s'il est efficace d'obtenir des prêts sur des plateformes de financement participatif par rapport aux banques traditionnelles. En effet, les plateformes sur lesquelles une personne ou une entreprise peut recevoir des prêts de la part de "pairs" prolifèrent dans le monde entier. Comprendre si ce canal de financement alternatif peut fonctionner est donc très stimulant.

Le risque majeur que nous voyons est qu'en raison de l'absence d'incitations pertinentes pour les plateformes de crowdfunding à sélectionner et contrôler les emprunteurs, la qualité des prêts peut être très faible et les emprunteurs peuvent ne pas être en mesure de rembourser l'argent et les intérêts promis. Cela s'explique également par le fait que ces plateformes ont connu une croissance exponentielle et ne sont peut-être pas en mesure d'analyser en profondeur la qualité des prêts accordés : potentiellement, les emprunteurs de faible qualité seront inondés de capitaux et personne ne contrôlera les prêts ou les obligations émis. Si un très grand nombre d'insolvabilités se produit, cela peut poser des risques importants pour l'ensemble du système financier et l'économie réelle.

 

Vous avez mis en évidence une évaluation erronée structurelle et constante de ces prêts : pourriez-vous nous en dire plus ?

Nos recherches montrent que le niveau de risque des prêts est inversement lié aux rendements promis aux prêteurs : plus le risque est élevé, plus le rendement est faible et vice-versa. Cette constatation est en contradiction flagrante avec le principe fondamental de la finance selon lequel des rendements plus élevés doivent compenser des risques plus importants. Cela signifie que les plateformes ne semblent pas évaluer correctement le risque des prêts et que, par conséquent, les prêteurs acceptent de prendre des risques élevés en échange de faibles rendements.

Cette analyse a plusieurs implications pour l'élaboration des politiques et la recherche sur les financements participatifs. Étant donné que le crowdfunding s'étend à tous les secteurs, il est nécessaire d'améliorer la réglementation afin de s'assurer que les investisseurs comprennent le niveau de risque auquel ils sont confrontés lorsqu'ils investissent sur des plateformes P2P. Les plateformes elles-mêmes devraient veiller à la qualité des prêts qu'elles accordent et adopter des systèmes de sélection et de notation pour s'assurer que le niveau de risque du prêt est mesuré avec précision.

 

Vous montrez que "la présence d'une orientation verte - mais pas d'une orientation sociale - est associée à des rendements promis moins qu'efficaces" : pourriez-vous développer ?

Nos résultats peuvent être expliqués en considérant que les prêteurs acceptent des rendements faibles pour des projets à haut risque parce qu'ils ne sont pas en mesure de comprendre pleinement à quel point le projet est réellement risqué. Une autre explication est que les prêteurs sont conscients de la "mauvaise évaluation" des prêts mais qu'ils acceptent sciemment cette mauvaise évaluation parce qu'ils ont d'autres motivations non financières. Dans notre article, nous avons constaté que la mauvaise évaluation est particulièrement forte pour les projets à orientation écologique (par exemple, les prêts destinés à financer des centrales photovoltaïques). Cela semble indiquer que les investisseurs sensibles aux questions écologiques peuvent être disposés à accepter des rendements financiers faibles (en termes d'intérêts) lorsque les prêts ont un impact environnemental défini. Ce résultat est intéressant car il montre qu'il existe un grand potentiel pour les projets qui peuvent contribuer à la transition vers un monde à faible émission de carbone.

 

Références

Adhami, S., Gianfrate, G. & Johan, S. Risks and returns in crowdlending. Eurasian Business Review (2023). https://doi.org/10.1007/s40821-022-00236-x

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