Comment le financement participatif en actions (crowdequity) stimule les initiatives durables et l'emploi
Dans cet article, Magnus Blomkvist, professeur associé à l'EDHEC, et ses coauteurs présentent leurs dernières recherches (1) sur le financement participatif en actions : cette approche pourrait-elle aller au-delà de la « simple » levée de fonds et aider réellement les startups "vertes" à créer davantage d'emplois ?
Alors que les gouvernements du monde entier cherchent des moyens de relever le double défi du chômage et du changement climatique, l'innovation est de plus en plus mise en avant, non seulement dans le domaine technologique, mais aussi dans celui de la finance.
Une solution émergente se trouve à la croisée de ces deux domaines : le financement participatif en actions. Cette méthode de financement, encore relativement récente, permet aux start-ups de lever des fonds directement auprès de particuliers, transformant ainsi des citoyens lambda en actionnaires.
Une nouvelle étude (1) menée par Magnus Blomkvist (EDHEC Business School) et ses coauteurs, Anup Basnet (Western University) et Aristogenis Lazos (Audencia Business School), examine si cette approche pourrait aller au-delà de la simple levée de fonds : pourrait-elle réellement aider les startups "vertes" à créer davantage d'emplois ?
Comprendre le financement participatif et ses variantes
Le financement participatif a connu une croissance rapide ces dernières années, offrant une alternative aux modes de financement traditionnels. Rien qu'en 2022, le marché mondial du financement participatif était évalué à 13,9 milliards de dollars, et il devrait atteindre 28,8 milliards de dollars d'ici 2028 (2).
Il permet essentiellement aux entreprises ou aux particuliers de présenter leurs idées au public via des plateformes en ligne et de collecter de petites contributions auprès d'un grand nombre d'enthousiastes.
Il existe toutefois de nombreuses variantes.
Dans le financement participatif avec contreparties (reward-based), les contributeurs reçoivent un produit ou une expérience en échange de leur soutien.
Le financement participatif en actions (equity) va toutefois plus loin : les contributeurs investissent de l'argent en échange d'actions de l'entreprise. Ils ne sont pas seulement des clients ou des donateurs, mais aussi des codétenteurs du capital. Cette forme d'investissement permet aux startups qui auraient autrement du mal à attirer des financements, en particulier celles dont la mission va au-delà du simple profit, d'accéder à des capitaux à un stade précoce.
Zoom sur le financement participatif en actions pour les startups durables
L'étude en question s'est concentrée sur 587 campagnes de financement participatif en actions menées avec succès entre 2019 et 2022 par des entreprises basées au Royaume-Uni.
Les chercheurs souhaitaient comprendre comment les startups durables, c'est-à-dire celles qui ont une mission environnementale explicite, s'en sortaient par rapport à leurs homologues non durables. La question centrale était simple : l'engagement en faveur du développement durable aide-t-il une startup à lever plus de fonds et à embaucher plus de personnes ?
La réponse est oui. Les startups durables ont levé beaucoup plus de capitaux que les autres, soit 34,5 % de plus en moyenne.
Cela suggère que les investisseurs moins avertis sur les marchés du financement participatif ne sont pas uniquement motivés par le rendement financier. Beaucoup semblent rechercher activement un impact et consacrer leurs ressources à des entreprises qui correspondent à leurs valeurs. Cela concorde avec une conclusion plus générale selon laquelle les investisseurs accordent souvent la priorité aux objectifs sociaux et environnementaux au même titre que le rendement financier.
Mais la différence ne s'arrête pas à la collecte de fonds : les entreprises durables utilisent également les fonds pour créer des emplois. Un an après leurs campagnes de financement participatif, les startups vertes avaient augmenté leurs effectifs de près de 48,8 %, contre un peu plus de 22 % pour les autres. Même en tenant compte des montants levés, les entreprises durables ont embauché davantage.
Cela souligne l'intérêt plus large suscité par ces entreprises : elles peuvent attirer plus facilement les talents ou refléter l'ambition de leurs fondateurs de se développer non seulement pour le profit, mais aussi pour une cause.
Puisqu'ils parlent des startups et des petites entreprises, les auteurs nous rappellent qu'elles sont loin d'être marginales : elles représentent même la majorité des emplois dans la plupart des économies ! Elles couvrent, par exemple, 61 % de l'emploi total au Royaume-Uni selon le rapport 2023 de la Federation of Small Business, et 80 % des emplois nets créés entre 2011 et 2021 aux États-Unis selon les statistiques sur la dynamique des entreprises du Bureau du recensement américain.
Pourquoi cela est important pour les investisseurs et les décideurs politiques
Bien que l'étude n'évalue pas ce qui se serait passé sans le financement participatif, car il faudrait pour cela disposer d'un scénario contrefactuel approprié, elle met toutefois en évidence un lien étroit entre la durabilité, l'envie des investisseurs et la création d'emplois. Cela est d'autant plus important que les jeunes entreprises ont souvent du mal à obtenir des prêts bancaires.
Les réglementations mises en place après la crise financière de 2008, telles que les accords de Bâle en Europe et la loi Dodd-Frank aux États-Unis, ont rendu plus coûteux et plus risqué pour les banques d'accorder des prêts aux petites entreprises et/ou celles en phase de démarrage. Pour les entreprises durables, qui peuvent avoir besoin de temps pour prouver leur rentabilité, ce déficit de financement peut être particulièrement intéressant.
Le financement participatif en actions offre donc un moyen de combler ce fossé et, plus important encore, d'aligner le capital sur les causes défendues. Il montre comment l'innovation financière peut contribuer à la réalisation d'objectifs publics : soutenir l'entrepreneuriat, accélérer la transition écologique et créer des emplois.
Pour les décideurs politiques, ces conclusions soulignent la nécessité d'encourager et de faciliter l'accès à des sources de financement alternatives. Pour les investisseurs, elles confirment une réalité de plus en plus évidente : "faire le bien et faire bien" ne sont plus incompatibles.
Ce changement dans le financement donne non seulement plus de moyens aux entrepreneurs, mais offre également un modèle pour un avenir où réussite financière et impact positif vont de pair.
Références
(1) Basnet, Anup and Blomkvist, Magnus and Lazos, Aristogenis, When sustainability meets equity crowdfunding: The role of green ventures in job creation (March 07, 2025). Available at SSRN: https://ssrn.com/abstract=5169774 or http://dx.doi.org/10.2139/ssrn.5169774
(2) Valeur estimée des transactions de financement participatif dans le monde entre 2017 et 2025 - https://www.statista.com/statistics/1078273/global-crowdfunding-market-size/
Photo by Christian Dubovan via Unsplash