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4 questions à Rania Labaki sur la transmission des PME européennes

Rania Labaki , Associate Professor, Family Business Chair Director

Début juin, Rania Labaki, Professeure associée à l'EDHEC et directrice de la Chaire Entreprises familiales, est intervenue au Parlement européen, à Bruxelles, dans le cadre des Renew Europe Business Days. Nous lui avons posé quelques questions sur les points clés qu'elle a partagés autour de son expertise sur les transitions réussies dans les petites et moyennes entreprises (PME).

Temps de lecture :
26 juin 2023
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Pourquoi cet événement de deux jours au Parlement européen était-il important ?

L'événement Business Days a rassemblé des participants aux profils très variés, qui ont assisté et participé à des panels de haut niveau, des tables rondes thématiques, des entretiens interactifs et des masterclass. Je tiens à remercier les députés européens Martina Dlabajova et Morten Løkkegaard qui m'ont invitée cette année à partager mon point de vue sur l’entrepreneuriat et les défis de la transmission des PME.

 

Bien que la Commission européenne ait cofinancé des projets auxquels j’ai eu l’opportunité de contribuer - ARTISAN, SPRING et SIFB - ces échanges directs peuvent avoir un impact marquant, à double titre : d’une part, je prends connaissance directement des questions clés soulevées par les membres du Parlement européen, tout en cherchant à y répondre sur la base d’études académiques ; d’autre part j’apprends des témoignages et des analyses de diverses parties prenantes dans les domaines des PME et de l’entrepreneuriat.

 

Il est clair pour moi que si nous voulons que les choses changent pour le mieux au niveau de l'UE, nous devons nourrir le dialogue entre les experts, y compris les enseignants-chercheurs, et les décideurs politiques. Contribuer à cet événement va dans ce sens. C'est un indicateur de la pertinence de notre recherche sur les entreprises familiales et de la nécessité de l'enrichir en y incluant les nouvelles perspectives des PME et de la Commission européenne sur les défis actuels et les solutions possibles. En prenant un peu de recul, je me sens maintenant rassurée quant au potentiel de poursuivre les collaborations à ce niveau.

 

Quels sont les principaux obstacles à la transmission de la propriété dans les PME ?

En Europe, une part importante des petites et moyennes entreprises est détenue et gérée par des familles. Leur défi le plus important est de réussir à transmettre l'entreprise à la génération suivante. En cas d'échec, on peut imaginer les conséquences dramatiques qui peuvent en résulter, telles que des pertes d'emplois importantes et une diminution de la contribution au PIB.

 

Lors de la planification de la transmission, les PME ne devront toutefois pas se concentrer uniquement sur le transfert de la propriété. La transmission est multidimensionnelle et s'étend au management, à la gouvernance et au transfert de l'esprit d'entrepreneuriat. Les PME doivent prendre en compte toutes ces dimensions en accordant une attention particulière aux deux principales difficultés rencontrées en cours de route : les aspects psychologiques et les aspects fiscaux/juridiques. Les exemples vont de la difficulté pour la génération actuelle à lâcher prise, compte tenu de l'attachement émotionnel à l'entreprise, jusqu’à la nécessité pour la jeune génération de gagner en légitimité aux yeux de la génération qui leur passe le flambeau. À cela s'ajoute le poids des droits de succession et autres taxes liées à la transmission, qui diffèrent d'un pays à l'autre.

4 questions à Rania Labaki sur la transmission des PME européennes

 

Seriez-vous d'accord pour dire qu'il y a un manque d'esprit entrepreneurial ? Dans tous les cas, avez-vous des idées pour l'encourager ?

J'ai tendance à regarder les évolutions à long terme, et il y a 20-25 ans, j'aurais pu être d'accord avec cette affirmation tout en étant prudente quant aux différences interculturelles qui existent. Aujourd'hui, même si cet esprit me semble très vivant en Europe, tout en étant teinté d’un impératif de « responsabilité », nous devons continuer à développer les conditions et les frontières de son expression.

 

Nous savons que les étudiants et les jeunes professionnels qui ont grandi dans un environnement entrepreneurial ont tendance à avoir plus d'intentions entrepreneuriales et à créer plus facilement des startups. Ainsi, en commençant par les acteurs de l'éducation, nous devons favoriser cet environnement pour tous les jeunes.

Il est essentiel de les soutenir, de les encadrer et de les conseiller à travers des actions de plus en plus formalisées, telles que des incubateurs, des événements et peer-groups dédiés, des masterclasses et autres formations.

 

En ce qui concerne les entreprises familiales, elles sont profondément enracinées dans l'esprit d'entreprise, et le défi consiste à le transmettre à la génération suivante. Plus précisément, mes recherches montrent que la cohésion intergénérationnelle est centrale : le fondateur est plus à même de lâcher prise et de soutenir la nouvelle génération. Pour cette dernière, cela peut prendre la forme de la création d'une nouvelle entreprise en dehors de l'entreprise familiale pour la rejoindre ensuite, ayant gagné en légitimité et initiation de nouvelles idées. Pour en revenir à la question des obstacles multiples, l'idéal serait une combinaison d’un ensemble d’éléments favorables, à savoir le soutien financier, le transfert de connaissances, les réseaux sociaux et le soutien émotionnel.

 

Que peut faire le Parlement européen à ce sujet ?

Je vois trois facteurs qui peuvent se traduire par des mesures concrètes permettant de reconnaître et de motiver les PME en vue d'une transmission réussie.

Premièrement, il est essentiel d’encourager et d’améliorer l'éducation à l'entrepreneuriat et à l'entreprise familiale, en incluant les aspects de responsabilité (sociale, environnementale, équité des genres…)  et les aspects psychologiques. Les écoles de commerce et les universités doivent être encouragées à développer davantage de programmes en ce sens, notamment en collaboration avec des organisations spécialisées.

Deuxièmement, il convient de promouvoir la recherche sur la transmission des PME, en partenariat avec des associations européennes de PME et d'entreprises familiales, ainsi qu'avec des institutions européennes qui soutiennent le financement et l'accès à des données à l'intersection des dimensions psychologiques et financières/économiques.

Troisièmement, il importe de challenger les réglementations en vigueur afin de s'assurer que les transmissions intrafamiliales soient planifiées dans les temps et facilitées en termes de charge administrative, de poids fiscal et d'implication de la famille dans l'entreprise.

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