Le calcul de l'empreinte carbone peut-il transformer la manière dont sont organisés les événements professionnels ?
Dans cet article, Naeem Ashraf, professeur à l'EDHEC, détaille comment le secteur MICE (Meetings, Incentives, Conferences, and Exhibitions) pourrait et devrait utiliser les outils et données disponibles pour intégrer facilement la durabilité dans la conception des événements professionnels.
Aujourd'hui plus que jamais, le coût climatique des conférences, des rassemblements mondiaux, des congrès et des événements d'entreprise est sous le feu des projecteurs, alors que les gouvernements et les entreprises sont soumis à une pression croissante pour réduire les émissions liées à leurs activités les plus visibles.
Une récente étude (1) menée par Naeem Ashraf de l'EDHEC Business School, en collaboration avec Maïa Zanella (RWS global) et Zeeshan Mahmood (Université d'Essex), apporte un regard neuf sur la comptabilisation des émissions carbone dans le secteur des MICE, en pointant notamment les décisions qui génèrent le plus de CO2 et en proposant des alternatives pratiques.
Les enjeux sont considérables : le secteur MICE pourrait dépasser les 2 000 milliards de dollars de valeur marchande d'ici 2028, et la facture énergétique progressera tout autant!
Quel est le coût réel d'une conférence ?
D'après cette étude, en analysant trois événements organisés en 2023, on peut évaluer qu'entre 190 et 367 kilogrammes de CO₂ ont été émis par participant. Les auteurs ont compilé les données d'une agence événementielle allemande spécialisée dans ces activités.
Il est intéressant de noter que, bien que ces trois événements semblaient identiques à première vue (des rassemblements de quatre jours à Berlin), ils ont généré des niveaux d'émissions de carbone très différents.
L'étude a permis de quantifier avec précision ces émissions et la façon dont chaque aspect de l'événement y contribue, à l'aide du calculateur d'événements Myclimate (2), un outil spécialement conçu pour cela.
Les résultats sont clairs : la mobilité et l'hébergement représentent plus de 80 % des émissions totales.
Par conséquent, même des changements mineurs, tels que choisir un hôtel plus central ou utiliser un service de transfert collectif depuis et vers les aéroports, ont un impact significatif sur les émissions globales.
L'étude montre que les événements organisés à distance de marche, par exemple, ont généré moins d'émissions par participant. Un événement de petite envergure, qui ne comptait que 12 participants, a été le plus gros émetteur de CO2 lié à la mobilité, car les transferts depuis l'aéroport ont été organisés avec plusieurs voitures. En revanche, un événement plus important, qui a réuni 66 participants et utilisé des transports partagés depuis l'aéroport, a mieux contrôlé les émissions liées à la mobilité, mais l'hébergement est devenu un problème, car l'événement a eu lieu en hiver et a nécessité de grands locaux chauffés.
Prendre des décisions éclairées et anticipées
Faisant plus que mesurer l'empreinte carbone des événements, l'étude vise à trouver des moyens pratiques pour aider les entreprises impliquées dans le secteur MICE à prendre des décisions éclairées afin de réduire leur empreinte et leur facture énergétique.
Le bilan carbone ne consiste pas seulement à quantifier l'empreinte carbone une fois l'événement terminé, il doit également être utilisé pendant la phase de planification afin d'avoir un intérêt structurant.
Qu'ont en tête les chercheurs ?
Les organisateurs devraient définir, a priori, des objectifs spécifiques de réduction des émissions pour chaque événement.
L'engagement des parties prenantes est essentiel, car les participants, les fournisseurs et les communautés locales doivent être impliqués (et avoir leur mot à dire) dans les efforts de durabilité.
L'utilisation de technologies telles que les visites virtuelles et l'inscription en ligne est un autre levier.
Les auteurs soulignent également que chaque événement nécessite un suivi régulier des résultats, un partage transparent des progrès et une mise à jour continue de l'approche.
Tout est dans les détails
Plus précisément, cette nouvelle approche préconise d'ajuster les plans de vol, d'organiser des déplacements groupés, de sélectionner des sites certifiés écologiques ou de choisir des emplacements centraux afin de réduire au minimum les émissions liées aux déplacements.
Lors de certains événements, proposer des repas végétariens et anticiper soigneusement les portions peut réduire à la fois les émissions et le gaspillage alimentaire.
Enfin, relier les données sur les émissions de carbone aux budgets, aux propositions des clients et à la formation du personnel permet d'intégrer la durabilité dans les pratiques commerciales, en faisant de celle-ci une valeur fondamentale plutôt qu'une considération secondaire.
Cette recherche est particulièrement importante pour les PME, qui sont souvent plus flexibles et plus rapides dans leurs prises de décision que les grandes entreprises. En choisissant de se concentrer sur cette taille d'entreprise, l'étude montre qu'avec une logistique intelligente et des décisions éclairées, les PME peuvent prospérer en concevant des événements à faible impact environnemental.
Au final, si les PME disposent des outils et des données adéquats, elles peuvent plus facilement intégrer la durabilité dans la conception de leurs événements. Avec la vigilance croissante des clients et des participants, réduire la facture énergétique dans le secteur MICE n'est plus une option.
Et si ce changement s'opère à grande échelle, chaque vol, chaque séjour à l'hôtel et chaque conférence pourrait contribuer à une industrie plus durable où la responsabilité environnementale devient la norme, et non l'exception.
Références
(1) Zanella, M., Ashraf, N. and Mahmood, Z. (2025), "Carbon accounting for sustainability management: case study of MICE events", Journal of Accounting & Organizational Change, Vol. ahead-of-print No. ahead-of-print. https://doi.org/10.1108/JAOC-08-2024-0259
(2) Voir "Myclimate - shape our future" https://co2.myclimate.org/en/event_calculators/new
Photo par Alexandre Pellaes via Unsplash