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Comment les récits médiatiques influencent-ils les marchés financiers ?

Gideon Ozik, chercheur associé à l'EDHEC-Risk Institute, docteur en finance de l'EDHEC (2012) et associé gérant de MKT MediaStats, présente ses derniers travaux sur les influences croisées entre les récits médiatiques et les marchés financiers.

Temps de lecture :
3 oct 2022
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Quel a été le déclencheur de votre article de recherche sur les récits générés par les médias et de leur impact sur les marchés financiers ?

Intuitivement, nous nous attendons à ce que les histoires que les investisseurs lisent, partagent et discutent avec leurs amis, collègues et contreparties influencent leurs points de vue macroéconomiques, influencent leurs décisions d'achat ou de vente d'actifs et, à leur tour, affectent le prix des actifs. Aujourd'hui, la couverture médiatique du risque géopolitique, des perturbations de la chaîne d'approvisionnement, de la hausse de l'inflation et de la détérioration rapide du climat sont autant d'exemples de récits très répandus qui influencent les décisions d'investissement.

Cependant, des travaux récents, dont un livre fondateur du lauréat du prix Nobel Robert Shiller (2), développent la théorie de "l'économie narrative" qui est souvent illustrée d'exemples puissants, mais mes coauteurs et moi-même avons pensé que la littérature présentait une lacune dans la façon de relier l'économie narrative aux marchés financiers et de proposer des applications en termes de gestion des investissements. Nous avons voulu savoir si les récits pouvaient être systématiquement quantifiés à partir des données de couverture médiatique et, dans l'affirmative, si les investisseurs pouvaient utiliser des mesures médiatiques des récits pour améliorer leur compréhension des risques globaux et au niveau de l'entreprise, leur capacité à s'exposer (ou à se couvrir) à des récits en évolution et, en fin de compte, obtenir de meilleurs résultats d'investissement.

Quels principaux résultats votre analyse révèle-t-elle ?

La première conclusion, et peut-être la plus importante, est qu'une approche de la quantification des récits basée sur la couverture médiatique peut expliquer la dynamique globale du marché. Par exemple, la mesure du récit de l'effondrement du marché permet de prédire les rendements futurs du marché au-delà des rendements décalés et des facteurs traditionnels, y compris le VIX (3). Ceci est important pour deux raisons. Premièrement, cela signifie que les médias numériques saisissent avec précision l'évolution des récits en temps réel. Deuxièmement, les résultats suggèrent que les investisseurs réagissent effectivement aux changements de tonalité et d'intensité des récits, alors qu'il aurait pu arriver que les récits ne soient que le reflet des actions passées du marché. Inspirés par ces résultats, nous explorons des applications potentielles pour les portefeuilles, notamment la réduction du risque et l'amélioration du rendement.

Par exemple, nous constatons que les connaissances narratives peuvent améliorer les stratégies d'allocation d'actifs. Plus généralement, l'article présente un cadre par lequel les sensibilités narratives au niveau des titres sont systématiquement estimées afin de fournir aux investisseurs des outils de base pour se couvrir ou se charger des expositions aux risques thématiques tels qu'une pandémie émergente ou l'escalade militaire d'un conflit international.

Certaines de vos conclusions vous ont-elles surpris ?

Certains résultats sont effectivement surprenants. Par exemple, on pourrait s'attendre à ce que les thématiques influençant le plus les marché soient celles qui attirent le plus l'attention des médias. Alors que c'est certainement le cas pour certains récits, d'autres histoires "expliquent" une part importante des variations du marché sans attirer autant l'attention des médias (mesurée par l'intensité de la couverture médiatique).

C'était un peu inattendu, et nous pensons que deux voies possibles du "cycle de vie" des récits sont à l'oeuvre. Dans la première voie, une histoire donnée devient la priorité des investisseurs et reste présente dans les esprits après avoir été intensément couverte par les médias (en d'autres termes, les médias présentent l'histoire et le marché suit). L'autre voie possible suggère que les marchés réagissent d'abord aux histoires émergentes et que les médias rattrapent l'amplitude atteinte avec un certain retard. L'une ou l'autre de ces possibilités peut conduire à des scénarios dans lesquels un récit peu couvert par les médias à un moment donné peut encore être très pertinent pour les investisseurs. Par ailleurs, cette idée de "cycle de vie" nous a incités à étudier les interactions entre l'intensité de la couverture médiatique des récits et leur impact sur le marché, que nous avons commencé à suivre à l'aide d'une visualisation intéressante appelée "Narrative Maps". J'aurai plus à partager sur ce projet dans quelques mois, restez à l'écoute !

(1) Bhargava, Rajeev and Lou, Xiaoxia and Ozik, Gideon and Sadka, Ronnie and Whitmore, Travis. Quantifying Narratives and their Impact on Financial Markets (July 15, 2022). http://dx.doi.org/10.2139/ssrn.4166640

(2) Shiller Robert J. - Narrative Economics: How Stories Go Viral and Drive Major Economic Events (2019). https://press.princeton.edu/books/hardcover/9780691182292/narrative-economics

(3) The VIX is a real-time index representing a part of the market's expectations, see https://www.investopedia.com/terms/v/vix.asp

 

Gideon Ozik, Research Associate at the EDHEC-Risk Institute and EDHEC PhD in Finance (2012) is the managing partner of MKT MediaStats an AI platform that transforms millions of unstructured media and behavioral data-points to actionable insights driving better investment and operational decisions. Dr. Ozik research focuses on alternative data and asset pricing; his papers published by venues including the Journal of Financial Economics, Review of Financial Studies, Journal of Quantitative and Financial Analysis, Financial Analysts Journal, Journal of Portfolio Management, and the Journal of Fixed Income. Dr. Ozik taught at Washington University, HEC Paris and Dauphine University and is currently a lecturer in finance at the EDHEC Business School where he teaches a course on alternative data. In addition to MKT MediaStats, his industry experience includes Nexar Capital, Société General and NISA investment advisors where he held the head of investment solutions, fund manager, and derivatives trader roles, respectively.

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