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La génération "Y" et le travail indépendant en période de récession

Maria Figueroa-Armijos , Associate Professor of Entrepreneurship

Éclairages sur les effets de la récession sur la volonté des jeunes à exercer du travail indépendant...

Temps de lecture :
22 oct 2020
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Une carrière consiste en une suite d’emplois que les individus occupent au cours de leur vie, une séquence d’expériences de travail qui se déroulent dans diverses organisations et professions. La permanence dans « une seule et même voie » se fait rare. Aussi connu sous le nom de « génération Y », « la prochaine grande génération » ou encore « génération moi », les jeunes de cette génération ont des niveaux d’éducation plus élevés, une plus grande diversité raciale et ethnique, et tendent à faire preuve d’initiative dans des rôles professionnels novateurs. Cette génération cherche des emplois qui revêtent un intérêt personnel et est attirée par des cadres de travail correspondant à leurs valeurs et à leurs intérêts. Plusieurs facteurs pourraient influer sur le choix entre l’indépendance professionnelle et le salariat, notamment le sens que procure un poste donné, l’autonomie, l’équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle, les possibilités d’avancement, un cadre de travail constructif ou l’aversion pour la bureaucratie.

Cependant, malgré leur niveau avancé d’études et de compétences technologiques, des données historiques montrent que cette génération souffre de façon récurrente de taux de chômage élevés et de sous-emploi. La crise économique mondiale de 2008, également connue sous le nom de Grande Récession, a frappé toutes les générations. Néanmoins, certains éléments montrent que la génération Y a le plus souffert.

LA GÉNÉRATION Y À L'HEURE DE LA RÉCESSION : LA RARÉFACTION DU PHÉNOMÈNE DES "PARENTS HÉLICOPTÈRES" STIMULE LE TRAVAIL INDÉPENDANT

Les récessions provoquent chez les salariés de grandes inquiétudes quant à leur carrière.

Les jeunes de la génération Y, nées entre 1980 et 1996, sont entrés sur le marché du travail à l’âge de 21 à 31 ans, au moment de la crise de 2007-2009, période qui a semé l’incertitude durant les premières années de leur carrière. 

Le terme « parents hélicoptères » est couramment utilisé pour décrire une surveillance parentale accrue durant l’adolescence. Cet indicateur est susceptible d’influencer le choix d’un individu en faveur du travail indépendant au début de sa carrière. La surveillance parentale se rapporte au fait, pour les parents, d’adopter une posture de vigilance et de connaître et surveiller les activités des adolescents dans plusieurs domaines (amis, école et comportement à la maison).

Une étude récente, actuellement sous examen par les pairs, montre qu’une surveillance plus soutenue des parents durant l’adolescence a entravé, chez les jeunes de la génération Y, leur capacité à choisir une carrière professionnelle indépendante. Cet effet est particulièrement marqué chez les femmes et ceux et celles ayant grandi dans une zone urbaine. En effet, cette situation a restreint leurs possibilités professionnelles au début de carrière, les empêchant de s’adapter à une conjoncture économique négative. 

Dans cette étude, on entend par « le travail indépendant », le fait, pour un jeune de lancer sa propre entreprise, à temps partiel ou à temps plein, pendant une récession.

LE TRAVAIL INDÉPENDANT COMME ALTERNATIVE DU JOB HOPPING

Les objectifs et les attentes spécifiques de la génération Y rendent plus difficile de trouver chaussure à son pied sur le marché du travail actuel. Par conséquent, ces jeunes finissent par changer d’emploi plus souvent, un phénomène baptisé « job hopping » (itinérance professionnelle).

Bien que le travail indépendant soit généralement décrit comme étant risqué, les récentes recherches constatent que le travail indépendant offre une plus grande stabilité d’emploi lorsque l’individu est prêt à se déplacer. 

Le travail indépendant peut fournir une plus grande stabilité de l’emploi – un « pont » – pour les individus qui errent d’un emploi à un autre, en particulier dans les périodes d’incertitudes comme les récessions économiques.

Le travail indépendant peut également être la promesse d’un parcours professionnel attrayant et alternatif qui n’est pas motivé par la richesse, mais par la recherche d’un style de vie et d’une utilité réelle.

LA LUEUR D'ESPOIR

Les récessions économiques augmentent les coûts, le risque, le stress, l’incertitude et les faillites d’entreprises, tout en diminuant la disponibilité d’emplois convenables. Les entrepreneurs en période de récession, pour des raisons de besoin ou d’opportunité, se heurtent à des circonstances difficiles et uniques. Cependant, les recherches montrent qu’ils sont également face à de nouvelles opportunités.

Dans une étude sur l’entrepreneuriat menée pendant la crise de 2007 et publiée dans l’Entrepreneurship Research Journal, nous avons constaté que les individus qui ont au moins une formation universitaire et ceux qui sont employés à temps partiel sont plus susceptibles de saisir les premières opportunités au cours d’une crise économique et de lancer de nouvelles entreprises.

Dans une étude plus récente, nous notons que l’épanouissement professionnel avant la récession est positivement corrélé au fait d’opter pour l’indépendance à la suite immédiate d’une récession (en l’espèce, 2010), en particulier chez les hommes de la génération Y et ceux qui ont grandi dans une zone rurale.

Alors que nous sommes à l’aube d’une nouvelle récession économique, au moment où les générations Y et Z sont des jeunes actifs dans la fleur de l’âge, ils peuvent trouver dans les preuves empiriques de quoi se réconforter. En effet, les recherches montrent que les récessions économiques sont des périodes de forte activité entrepreneuriale, motivée par l’opportunité ou le besoin.

Il y a dix ans, une étude a révélé qu’environ la moitié des entreprises du Fortune 500 (en 2009) et de la liste Inc. de 2008 des entreprises ayant connu la croissance la plus rapide avait été créée pendant une récession. Ces entreprises ont également mieux résisté aux ralentissements économiques qui ont suivi que leurs concurrents.

Le moment pour les membres de la génération Y, voire de la génération Z, qui ont bénéficié de suffisamment d’autonomie vis-à-vis de leurs parents durant leur adolescence, de se lancer dans l’aventure de l’entrepreneuriat pourrait arriver à point nommé.

RÉFÉRENCES

Bedrridge, Scott. (2014, September). Millennials after the Great Recession. US Bureau of Labor Statistics.

Dishion, Thomas J., & McMahon, Robert J. (1998). Parental monitoring and the prevention of child and adolescent problem behavior: A conceptual and empirical formulation. Clinical Child and Family Psychology Review, 1, 61-75.

Failla, Virgilio, Melillo, Francesca, & Reichstein, Toke. (2017). Entrepreneurship and employment stability – Job matching, labor market value, and personal commitment. Journal of Business Venturing, 32, 162-177.

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Foster, Karen. (2012, October). Youth unemployment and un(der) employment in Canada: More than a temporary problem? Ottawa: Canadian Centre for Policy Alternatives. 

Stangler, Dane. (2009, June). The economic future just happened. Ewing Marion Kauffman Foundation.