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Self-Leadership, ou la cure de jouvence d’un outil controversé : le 360°

Fini le management « top-down ». Désormais, les organisations doivent miser sur le travail collaboratif et orienter leur culture sur l’échange et le feedback pour être performante...

Temps de lecture :
6 oct 2017
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Fini le management « top-down ». Désormais, les organisations doivent miser sur le travail collaboratif et orienter leur culture sur l’échange et le feedback pour être performante. On assiste à une transformation des pratiques du leadership. Et si ce contexte était une occasion d’offrir une nouvelle jeunesse à l’évaluation 360° ? Cet outil, davantage connu que pratiqué, suscite de nombreuses questions.

Pratique du feed-back

Fondamentalement le 360° permet de confronter une perception de soi à des perceptions de tiers. Deux bénéfices principaux en résultent : un moment privilégié pour être en réflexion sur soi, en soi, et une prise de conscience de ce qui émane de soi ; c’est bien de self leadership dont nous parlons ! Les gains sont colossaux et pourraient se suffire à eux-mêmes, pour peu que l’entreprise promeuve le management réflexif comme une pratique majeure de développement du leadership.

Qu’il y ait un écart entre auto-perception et perception par les tiers ne devrait pas être considéré comme problématique. Il peut même s’agir d’une tactique délibérée. En revanche la conscience que l’on en a est indispensable pour piloter ses comportements – managériaux ou non – avec éthique et efficience.

Souvent le processus ne se limite pas à ces 2 dimensions, soi et les tiers ; un troisième cadre est introduit, le profil souhaité par l’entreprise. Les plans de développement sont proposés en fonction de ce référentiel explicite ou implicite. Le message sous-jacent est le suivant : « voici ce à quoi nous devons tendre pour optimiser notre bien-vivre ensemble et notre succès. » Le 360° peut devenir un instrument de mesure de la conformité.

En tant que pourvoyeur de feed-back, le 360° peut susciter de l’inquiétude chez son bénéficiaire si ce dernier n’est pas guidé par une volonté sincère d’écouter, d’entendre et de travailler sur soi. Il permet une réflection et une réflexion, par l’autre et par soi. C’est un cadeau, qui peut être empoisonné si l’intention est malsaine, inconsistante, ou manquant de justesse.

Une dimension culturelle prégnante ?

Conçu aux USA, dans un berceau naturellement compatible sur le plan culturel, le 360° suscite en France des sentiments partagés. Evidemment, cette dimension culturelle comprend aussi la culture de l’entreprise qui adopte cette approche.

Pourquoi cette ambivalence ? Dire du bien de soi, être évalué(e) par des pairs et des collaborateurs, recevoir des feed-backs…. La démarche n’est pas naturelle, pas plus que ne l’est, bien souvent, la notion de Self- Leadership. De plus, elle suscite fréquemment un sentiment de peur.

La peur survient tant en amont qu’en aval, l’intention de ceux qui administrent le 360° étant parfois entachée de suspicion : Pourquoi font-ils cela ? Que cherchent-ils ? Pourquoi moi ? Et après, que va-t-il se passer ? D’ailleurs, la peur peut habiter le camp de celui qui reçoit le feedback, mais aussi de celui qui le donne !

Dans certaines entreprises la pratique est généralisée à un ou plusieurs niveaux hiérarchiques ; la peur peut alors s’estomper, chacun devient évaluateur de chacun : je te tiens, tu me tiens par la barbichette … Neutralisons tout cela gentiment et ce ne sera qu’une perte de temps sans lendemain, du ménagement plus que du management.

Toutes ces défenses montrent à quel point cette pratique n’est ni anodine, ni assurée de succès.

Faut-il y renoncer pour autant ? Evidemment non, mais….

Précautions à 360°

3 conditions doivent être réunies pour garantir son succès : la communication sur l’introduction de l’outil, la place du 360° dans le dispositif de développement, et surtout l’éthique et le professionnalisme qui prévalent à son utilisation. Plusieurs questions méritent une position claire : quel est le bénéfice ? Quelles sont les protections ? Quelle gestion des salariés qui refuseraient ? etc…

Le lancement (ou relancement après une période d’interruption) de la démarche 360° doit être conjoncturellement adéquate. Elle n’est pas hors sol, elle s’inscrit dans un contexte pour l’entreprise, l’entité ou la personne qui connote son sens et sa vertu.

Le 360° n’est pas un bon outil en soi, en revanche, bien piloté, il peut aider à passer un cap de maturité comme nul autre pareil, en développant le leadership de soi.

Le lancement (ou relancement après une période d’interruption) de la démarche 360° doit être conjoncturellement adéquate. Elle n’est pas hors sol, elle s’inscrit dans un contexte pour l’entreprise, l’entité ou la personne qui connote son sens et sa vertu

Le 360°est-il adapté aux organisations « libérées »?

Qui dit 360° dit manager hiérarchique, fonctionnel, pairs, collaborateurs… Or, cette pratique a-t-elle encore du sens dans une entreprise « libérée », alors que les liens et les missions sont à géométrie variable ?

Non seulement la pratique du 360° reste pertinente dans les entreprises dites libérées, mais elle l’est même davantage que dans les autres. La justesse de la posture, le discernement quant à sa valeur ajoutée, le recul sur les systèmes et les contributions sont décisifs.

Il y a juste un an, General Electric révisait ses méthodes d’évaluation de la performance en cassant deux dogmes : la périodicité et la position de l’évaluateur. S’adaptant au business, l’évaluation se fait en continu (tout comme la définition des priorités), et à 360°. De plus, afin que cette démarche soit source de progrès, l’évaluateur s’identifie, s’obligeant à assumer son appréciation et à contribuer au développement de la performance collective. L’anonymat est l’un des piliers des approches 360°, sa levée exige éthique et maturité.

Dans un univers en mouvement continu, s’interroger, s’apprécier de façon systématique avec exigence et bienveillance est indispensable. Le 360° peut être réinventé dans ce contexte, de façon ad-hoc, en mettant l’accent sur l’auto-évaluation. L’évaluation par des tiers peut être plus sélective, focalisée sur quelques aspérités utiles au processus en cours. L’apprentissage principal réside dans l’habitude de se questionner, d’être pleinement conscient(e) de son rapport aux autres et à la mission alors que chaque configuration diffère de la précédente, et in fine de vouloir développer son self-leadership.

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