La meilleure arme pour lutter contre le Covid-19 : le respect des gestes barrières
Samuel J. Sender, Professeur Associé, traite dans un article initialement publié sur The Conversation, des solutions les moins coûteuses économiquement pour lutter contre l'épidémie de Covid-19.
Si l’on compare les deux vagues épidémiques, compte tenu de la décrue du nombre de malades de la Covid-19 dans les hôpitaux qui semble amorcée, la deuxième vague pourrait avoir été mieux maîtrisée que la première, pour un coût moindre.
La Banque de France, dans son point de conjoncture du 9 novembre, estimait que la perte de PIB pour une semaine type d’activité (par rapport au niveau normal d’avant la pandémie) serait de : – 4 % en octobre (dont la deuxième quinzaine fut marquée par la mise en place du couvre-feu dans les grandes métropoles) et – 12 % en novembre (marqué par la mise en place du deuxième confinement, partiel), contre – 31 % en avril (premier confinement, total).
Les mesures mises en place pour juguler la deuxième vague tirent partiellement profit des enseignements de la première vague : en permettant une poursuite partielle de l’activité, elles ont donc permis un choc économique trois fois plus faible que lors de la première vague, avec une saturation moindre des systèmes de santé.
Les restrictions n’ont cependant pas ciblé en premier lieu les populations fragiles : les retraités ont, plus encore que lors de la première vague, constitué le plus gros des hospitalisations, réanimation et décès. Selon les données de Santé publique France, la proportion des seniors en réanimation a même été supérieure à celle de la première vague, bien que leur fragilité soit connue et la progression de la contamination visible à l’aune du taux de positivité.
Les données récentes montrent l’efficacité du couvre-feu : les mesures de restriction de la première vague avaient conduit à un ralentissement des nouvelles hospitalisations après 15 jours, et celles-ci ont également ralenti moins de 15 jours après le couvre-feu du 17 octobre.
La réalité du confinement début novembre ne nous permet pas de savoir si le simple maintien du couvre-feu aurait été suffisant pour juguler l’épidémie. Ces données nous permettent toutefois de nous interroger sur la place des différentes mesures dans l’arsenal de prévention.
Des gestes barrières insuffisamment adoptés
Les mécanismes de diffusion du virus sont maintenant bien connus : particules en suspension dans l’air et toucher. Les gestes barrières, port du masque, distanciation sociale et mesures d’hygiène individuelles semblent en théorie parfaitement efficaces.
Pour expliquer l’accélération de la contamination des personnes fragiles en septembre et octobre, il faut donc s’interroger à la fois sur l’adoption systématique des gestes barrières et leur efficacité en situation réelle.
Or, le premier constat est celui d’une adoption non systématique des gestes barrières, y compris par les plus de 60 ans. 80 % d’entre eux portent systématiquement le masque dans les lieux publics, et seulement 60 % respectent la distance d’un mètre dans les espaces publics.
L’observation de la situation dans les Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) suggère notamment que l’adoption trop partielle des gestes barrières serait l’une des causes de la deuxième vague. En octobre, la mortalité des seniors a été six fois plus faible que lors du premier confinement en Ehpad alors qu’elle redevenait exponentielle en structure hospitalière.
Or, les Ehpad ont adopté un protocole sanitaire strict, et malgré la réautorisation des visites familiales à partir du 19 avril, le nombre cumulé de décès Covid s’est stabilisé : la mortalité a été presque nulle jusqu’à la mi-septembre. Ceci semble indiquer que le respect des mesures barrière apparaît comme beaucoup plus efficace, à court terme, que le confinement des populations, et ce pour un coût nettement moindre.
Les stratégies du confinement suivies du « tester-tracer-isoler », utilisées avec succès en Asie, apparaissent peu efficaces en France. En effet, d’après les estimations de Santé publique France disponibles sur l’application Anti-CoViD (appelée StopCovid dans la précédente version) au 11 novembre, l’application a permis d’alerter près de 10 mille personnes d’un risque de contamination en 2020, sur près de 20 millions de tests réalisés et un total près de 2 millions de cas confirmés.
Mieux informer
En vague épidémique, faute de pouvoir isoler les porteurs, il faut donc donner les moyens aux personnes fragiles de se protéger. Une information précise sur les risques semble donc nécessaire pour une meilleure adoption des mesures barrières.
Dans cette optique, nous avons d’ailleurs mis en place un outil qui permet de calculer pour un individu donné les probabilités d’hospitalisation en fonction de l’âge, des comorbidités, et du comportement adopté.
Pour inciter les personnes fragiles à se confiner, des mesures d’accompagnement sociales, juridiques et financières (droit au retrait et chômage partiel), voire logistiques (livraisons et soins à domicile, masques plus protecteurs que les masques classiques) pourraient en outre être prises pour permettre une mise en retrait volontaire. Des mesures qui, si elles n’ont pas encore été chiffrées, auraient un coût dérisoire pour l’économie par rapport à celui d’un confinement généralisé.
Un ensemble plus complet de graphiques et statistiques actualisées quotidiennement appuie ces analyses. Il est accessible en cliquant ici et ici.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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