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Une nouvelle réglementation des transferts de joueurs de football s'impose

Florian Pelgrin , Professor

La fenêtre de transfert hivernale du football a officiellement ouvert le 1er janvier 2018 et doit se terminer le 31 janvier 2018. Déjà, le transfert de Philippe Coutinho de Liverpool à Barcelone pour 160 millions d'euros et un salaire net supérieur à 10 millions d'euros par an a déclenché une certaine incrédulité de la part du public et des médias, comme cela avait été le cas pour les transferts précédents de Neymar (222 millions d'euros) et de Kylian Mbappé (prêt avec option d'achat pour 180 millions d'euros).

Temps de lecture :
15 jan 2018
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Que penser de ces montants et faut-il nécessairement s'y opposer ? Sont-ils cohérents ou reflètent-ils les lacunes des règles du fair-play financier introduites en 2011 ? Y a-t-il lieu d'introduire un plafond salarial comme en NBA ?

Pour commencer, il est utile de dresser un bref portrait du marché des transferts en prenant pour référence la saison 2015-2016.[1] Au niveau international, l'indemnité de transfert moyenne avoisine les 2 millions d'euros, sachant que seule une minorité de transferts sont effectivement payants. Dans le même temps, le salaire moyen s'élève à environ 300 000 euros bruts par saison. Bien qu'il s'agisse de montants non négligeables, ils ne sont en rien comparables aux chiffres associés aux "superstars" du football. En outre, compte tenu du fait que la carrière d'un footballeur ne dure en moyenne que huit ans, ce salaire de 300 000 euros par an reviendrait à moins de 10 000 euros par mois si le même montant global était versé sur la durée d'une carrière professionnelle classique.

Plus que le montant des indemnités de transfert et des salaires, ce sont les fortes disparités entre les joueurs et entre les clubs qui soulèvent de nombreuses questions, et pas seulement du point de vue de l'équité ou de l'iniquité. Dans la pratique, la qualité du spectacle offert aux amateurs de football est compromise par les lacunes des règles du fair-play financier et leur incapacité à garantir une véritable concurrence entre les clubs. Seuls quelques clubs triés sur le volet ont la capacité de dépenser les sommes nécessaires pour recruter les superstars et conserver ensuite leurs meilleurs joueurs d'une saison à l'autre. Cette situation tend à concentrer le talent entre les mains d'un petit nombre et supprime le suspense quant à l'issue des championnats nationaux. Au sein des cinq grandes ligues,[2] le déséquilibre compétitif n'a jamais été aussi important qu'aujourd'hui.

On pourrait être tenté d'introduire un plafond salarial. Cependant, la nature particulière du droit du travail dans le football européen signifierait qu'un plafond aurait pour effet d'augmenter les indemnités de transfert, le club vendeur étant susceptible de s'approprier une partie des économies que le club acheteur s'apprête à réaliser grâce au plafond salarial[3] et, par effet d'entraînement, les salaires des joueurs moins bien payés seraient également réduits de manière significative. Inversement, nous pensons que le plafonnement des indemnités de transfert serait susceptible de réduire les dépenses globales consacrées à la signature de joueurs, ce qui permettrait d'espérer une répartition plus équitable des talents entre les clubs participant à un même championnat. En l'absence d'une telle régulation, et au-delà des frénésies récurrentes créées par quelques transferts stratosphériques et la passion des supporters, le résultat final pourrait être un désenchantement croissant et durable à l'égard des compétitions nationales.

[1] Voir le "Rapport mondial sur les transferts de marché 2016" de la FIFA

[2] Les cinq plus grands championnats européens (Germany, England, Spain, France, Italy)

[3] Nous nous référons au rapport suivant, co-écrit par Amand, Chéron et Pelgrin (Edhec 2018),

« Salaires et indemnités de transfert des joueurs de football : quels outils de régulation faut-il privilégier ? » 

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