À la rencontre d'Hager Jemel-Fornetty, une professeure décidée à faire changer les regards sur l'inclusion et la diversité
L’égalité, l’inclusion et la diversité sont pour beaucoup encore des concepts flous, des mots-valise, des étendards opportunistes. Ceux-là n’ont pas encore croisé la route d’Hager Jemel-Fornetty !
Directrice de la Chaire Inclusion & Diversité, Professeure associée et Doyenne associée pour le programme International BBA (depuis février 2025), elle “forme pour transformer” et porte ses combats à bras-le-corps.
La Hager d’aujourd’hui est le produit d’une histoire personnelle et familiale qui débute sur les rives tunisiennes de la Méditerranée, à Sfax. Deuxième poumon économique du pays, la cité portuaire forme le décor des premières aventures d’une jeune fille imprégnée de sa ville natale. “Sfax est un carrefour”, raconte l’intéressée. “C’est une ville à l’âme entrepreneuriale et à la culture du travail très marquée. L’éducation y tient aussi une place très importante, avec le plus grand nombre de mentions au bac du pays. C’est une ville aux valeurs fortes.”
Des valeurs qui trouvent d’ailleurs leur incarnation entre les murs de la maison familiale. Hager est la benjamine de la fratrie, et la seule fille.
Son père est autodidacte, il incarne l’ascension par le travail : embauché à 16 ans en tant que coursier dans une grande entreprise française (ndlr : la Tunisie est alors sous protectorat), il en gravit les échelons un à un pour terminer directeur général.
Sa mère, plus instruite que son père, regrettera toute sa vie de s’être mise en retrait pour la carrière de son mari et poussera tous ses enfants à saisir chaque opportunité, et à se battre contre les injustices.
“Cette histoire familiale est le ciment de mon parcours”, explique Hager. “Je réalise aujourd’hui la chance inouïe que j’ai eue d’avoir accès à l’éducation et aux mêmes opportunités que mes frères, d’avoir grandi dans une famille qui s’est hissée grâce au travail et qui nous a transmis ces valeurs fondamentales.”
Brillante, elle fait tout son cursus à l’école publique, optant pour la filière scientifique sans jamais toucher à l’économie. Mais à la veille de faire son choix d’études supérieures, alors qu’elle passe le week-end chez une amie, une discussion avec l’oncle de celle-ci, professeur de finance, va tout chambouler. Convaincue qu’il y a là pour elle un chemin à prendre, celle qui 24h avant se voyait encore botaniste ou agronome, coche la case “école de commerce”. Et la machine se met en route.
Elle décroche un Master en Management à Sfax en 2002 avant de se tourner vers la recherche. Un unique dossier envoyé à l’IAE de Lille lui ouvre alors les portes d’un Master 2 recherche.
Ayant découvert quelques mois plus tôt à la faveur d’un stage le monde de la gestion de crise, elle arrive dans la métropole du Nord avec l’idée d’entamer des travaux en stratégie et organisation. Elle y découvre une nouvelle hauteur de vue, des manières d’enseigner différentes, et des matières jusqu’ici inexplorées, notamment la sociologie et l’épistémologie. Une révélation.
La prochaine montagne, c’est le doctorat. Pour cette aventure-là, Hager change de sujet et choisit de travailler sur la prise en compte des critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) dans la valorisation des entreprises. À l’époque, la recherche sur le sujet n’en est qu’à ses débuts, la littérature académique encore peu développée. Un terrain quasi vierge, où elle peut allier son intérêt pour la finance et son engagement sociétal. Pour financer sa thèse à l’IAE de Lille, elle trouve un poste d’assistante de recherche dans un établissement qui ne lui est pas encore familier : l’EDHEC.
Cette expérience sera bien plus formatrice qu’elle ne l’avait anticipé. Non contente d’ouvrir des portes académiques, elle se prend d’intérêt pour le monde de l’éducation en tant que tel. Sa thèse, intitulée « Informations sociétales et valorisation financière des titres de l’entreprise », lui vaudra d’être reçue avec les honneurs en 2010.
Docteure en management, elle rejoint d’abord l’ESC Amiens en tant que professeure avant d’évoluer vers des fonctions exécutives : directrice du Programme Grande Ecole puis du département d’innovation pédagogique. Elle y mène un travail de fond pour comprendre les déterminants de l’échec, améliorer l’accompagnement des élèves et repenser l’offre pédagogique.
De retour à l’EDHEC en 2016, elle intègre la chaire Diversité & Inclusion et le département Management et Sciences Humaines en tant professeure associée. Depuis, elle ne cesse d’y faire évoluer les approches pédagogiques, notamment à la tête du pré-Master de 2017 à 2023, où elle réforme en profondeur l’accompagnement des 700 étudiants concernés par cette année charnière – jusqu’à l’installation d’une semaine condensée sur 4 jours. Au sein d’un collectif poussé par l’excellence, la contribution de ces évolutions est claire : le programme Grande Ecole occupe en continu la 4e place du classement SIGEM depuis 2020. Mais ce n’est pas après ce genre de chiffres qu’Hager court. “Je jauge ma réussite à mon impact sur les étudiants”, confie-t-elle. “Chaque personne que j’ai pu toucher, d’une manière ou d’une autre, est une source inépuisable de motivation et de fierté.”
Cette contribution prend bien des formes à l’EDHEC. Ses cours de management du changement et de leadership, dispensés en pré-Master, Master et Bachelor, marquent les esprits, mais c’est sur l’inclusion et la diversité qu’elle laisse l’empreinte la plus forte. “Depuis que j’ai pris la direction de la chaire en 2017, elle a été repositionnée vers davantage de dissémination de la recherche et de transmission à travers des initiatives pédagogiques qui contribuent à mieux intégrer ces enjeux aux cursus.” Le projet sur les violences sexistes et sexuelles en est l’illustration parfaite : un jeu de cartes novateur qui a permis de former 9 000 étudiants et étudiantes et sera bientôt déployé dans les entreprises.
Ses recherches, souvent collaboratives et pluridisciplinaires, débouchent sur des co-publications comme celle sur les stéréotypes de genre dans le jeu vidéo (1) ou celle sur la sous-représentation des artistes féminines et directrices dans les musées (2) avec Guergana Guintcheva, elle aussi professeure à l’EDHEC. Hager a également initié de nouveaux formats pédagogiques : son Tremplin Diversité & Inclusion, par exemple, offre aux étudiants la possibilité de travailler avec des entreprises et associations à fort impact sociétal.
« J’aimerais que les générations futures puissent évoluer dans un monde plus égalitaire et plus équitable », résume-t-elle. Une aspiration parfaitement en ligne avec le plan stratégique Générations 2050 de l’EDHEC. « Avec chaque séminaire, cours ou conférence, nous essayons de semer des graines, donner une impulsion, réveiller des consciences qui participeront, nous l’espérons, à changer positivement les choses ».
Car Hager ne compte pas s’arrêter là. En février 2025, elle a pris un nouveau virage en devenant doyenne associée du programme EDHEC International BBA. Une fonction qui ouvre un nouveau chapitre, résolument tourné vers l’action et la transformation. « En lien étroit avec les équipes, l’une de mes missions prioritaires sera de former des citoyens et des professionnels engagés et responsables, capables de contribuer positivement à la société et d’accompagner sa transformation », explique-t-elle.
Autant de projets portés avec la même énergie militante et la même exigence de sens qui jalonnent tout son parcours. Il y a fort à parier que la prochaine fois qu’Hager jettera un regard en arrière, elle n’y verra pas seulement son propre chemin, mais toutes les trajectoires qu’elle aura aidé à dessiner et tous ces futurs qu’il lui reste à inventer.
Dates clés
Depuis 2025 : Doyenne associée du programme EDHEC International BBA
Depuis 2016 : Professeure Associée et Directrice de la Chaire Diversité & Inclusion, EDHEC Business School
2008-2015 : ESC Amiens - France Business School, Amiens
2013-2015 : Directrice du département d’innovation pédagogique
2012-2015 : Directrice du Graduate Program
2008-2015 : Professeure en Management
2004-2010 : Doctorat en Management, IAE, Lille
2008-2010 : Assistante Recherche, IAE, Lille
2004-2006 : Assistante Recherche, EDHEC Business School, Lille
2002-2003 : Master 2 Recherche (DEA) en Stratégie et Organisation, Institut d’Administration des Entreprises (IAE), Lille
2002 : Diplôme de Master en Management, École Supérieure de Commerce, Sfax (Tunisie)
Pour en savoir plus sur Hager Jemel-Fornetty
- Voir sa page EDHEC
- Visiter son profil Linkedin
- Découvrir les pages de la chaire Diversité & Inclusion et/ou de l'EDHEC International BBA
Références
(1) Napoleon vs Marie-Antoinette: Gender Stereotypes in Video Games Consumption and Their Reproduction in Game Narratives (2023) International Journal of Arts Management - https://www.researchgate.net/publication/374170745_Napoleon_vs_Marie-Antoinette_Gender_Stereotypes_in_Video_Games_Consumption_and_Their_Reproduction_in_Game_Narratives
Hager Jemel-Fornetty : « Notre test permet d’évaluer pour la première fois le sexisme dans les jeux vidéo : les résultats sont sans appel » (2023) EDHEC Vox - https://www.edhec.edu/fr/recherche-et-faculte/edhec-vox/hager-jemel-fornetty-test-evaluation-sexisme-jeux-video-resultats-sans-appel
Les stéréotypes de genre dans la narration des jeux vidéo (2022) EDHEC Vox / The Conversation - https://www.edhec.edu/fr/recherche-et-faculte/edhec-vox/les-stereotypes-de-genre-dans-la-narration-des-jeux-video
Voir le projet plus global : Le gaming à l'épreuve de la parité - https://www.edhec.edu/fr/recherche-et-faculte/centres-et-chaires/chaire-diversite-inclusion/publications/le-gaming-a-l-epreuve-de-la-parite
(2) Dans les collections des musées comme aux postes à responsabilité, où sont les femmes ? (2024) EDHEC Vox / The Conversation - https://www.edhec.edu/fr/recherche-et-faculte/edhec-vox/collections-musees-postes-a-responsabilite-ou-sont-les-femmes-culture-diversite